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fifflemens longs & aigus qu il fait entendre ; ils ont cru
que ces.fifflemens, que ces lignes des diverfes a fléchions
d’un être qu’ils ne voyoient que comme merveilleux
& divin dévoient être liés avec leur deftinée. Le halard
a fait que ces fifflemens ont été fouvent beaucoup plus
forts ou plus fréquens dans les temps qui ont précédé
les grandes tempêtes, les maladies peftilentielles, les
guerres cruelles ou les autres calamites publiques ;
d’ailleurs les grands maux phyfiques font fouvent
précédés par une chaleur violente, une fechereffe
extrême, un état particulier de 1 atniofphere , fine
éleétricité abondante dans l’air qui doivent agiter les
Serpens, & leur faire pouffer des fifflemens plus forts
qu’à l’ordinaire; auffi les Mexicains n’ont regardé ceux
du Serpent Devin que comme l’annonce des plus grands
malheurs, & ce n’eft qu’avec confternation qu’ils les
ont entendus.
Mais ce neft pas feulement un culte doux Sç
pacifique qu’il a obtenu chez les plus anciens habitans
du nouveau monde. Son image y a ete yeneree, non-
feulement au milieu de nuages dencens, mais meme
de flots de fang humain, verfé pour honorer le dieu
auquel ils l’a voient confacré, & qu ils a voient fait
çruel (a) . Nous ne rappelions qu’en frémiflant le nombre
( a) La Divinité fuprême des Mexicains , nommée Vit\dïpu\tu,
çjtoit reptéfcntée tenant dans fa main droite un Serpept , par lequel immeufe
d e s S e r p e n s . $ ^
immenfe de viélimes humaines que la hache fanglante
dun ranatifme aveugle & barbare a immolées fur les
autels de la divinité qu’il avoit inventée. Nous ne
penfons qu’avec horreur aux monceaux de têtes & de
trilles offemens, trouvés par les Européens autour des
temples ou le Serpent, fembloit partager les hommages
de la crainte (a) ; & tant il faut de temps dans tous
es pays pour que la raifon brille de tout fon éclat
la iuperftition qui a, pour ainfi dire, divinifé le Devin|
n a p a s feulement régné en Amérique. Auffi grand’
auffi puiffant, auffi redoutable dans les contrées ardentes
e l Afrique, il y a infpiré la même terreur, y a paru
auffi merveilleux, y a été également regardé par des
elprits encore trop peu élevés au-deffus de la brute
comme le fouverainDifpenfateur des biens & des maux’
On l y a également adoré; on en a fait un dieu fur les
côtes brûlantes du Mozambique, comme auprès du
lac de Mexico, & il paraît même que le Japonois s’eft
profterné devant lui (b).
nous devons croire , d'après tout ce que nous venons de dire, qu'ils
vouloient défigner l'efpèce du Serpent Devin. Les Temples & les
Autels de cette Divinité, à laquelle ils faifoient des facrifices'barbares,
ofîroient l'image du Serpent. Htfi. génér. des Voyages, édit.
m-i2, tom. 48.
(a) Ibid,
( i ) Simon de V ries, cité dans Séba.
Serpens , Tome II,