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force , & même choifir de préférence leur demeure
au milieu des marais fangeux, dont les exhalaifons
empeftées corrompent l'air , le rendent moins propre
à la refpiration , &. produifent, dans l’atmofphère ,
l’effet d’un commencement de vuide.
Quoique de tous les tems les Serpens, 5c fur-tout
les très-grandes efpèçes, aijifi que celles qui font veni-
meufes, aient dû infpirer une frayeur trèsrvive, leur
forme remarquable & leurs habitudes fingulières, ont
attiré fur eux affez. d’attention, pour qu’on ait reconnu
leurs qualités principales. Il paroît que les Anciens
çonnoiffoient, même dès les tems les plus reculés,
toutes les propriétés que nous venons d’exppfer. Il faut
qu’elles aient été obfervées dans ces temps antiques,
dont il nous refte à peine quelques monumens imparfaits
, & qui ont précédé les fiècles nommés héroïques,
où la plupart des idées religieufps des Egyptiens & des
Grecs, ont commencé à prendre ees formes brillantes
qui ont fourni tant d’images à la Poéfie. Si nous ouvrons
, en effe t, les Livres des premiers Poètes dont
les Ouvrages font parvenus jufqu’à nous ; fi nous con-
fultons les faftes de la Mythologie Grecque; fi nous
réunifions, fous un même point de vue, lgs différentes
parties de ces anciennes traditions , où le Serpent eft
employé comme emblème, nous trouverons que les
Anciens lui ont attribué, ainfi que nous, une grandeur
très-confidérable , qu’ils femblojent regarder comme
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dépendante du féjour de ce Reptile au milieu des
endroits marécageux & humides, puifqu’ils ont fup-
pofé qu’à la fuite du déluge de Deucalion , le limon
de la terre engendra un énorme Serpent, qu’Apollon
tua par fes flèches, c’eft-à-dire, que le foleil fit périr
& deffécha par la chaleur de fes rayons. Ils lui ont
aufli donné la force, car en parlant du combat d’Ache-
loüs contre Hercule , ils ont fuppofé que le premier
de ces deux demi-Dieux avoit revêtu la forme du Serpent
pour vaincre plus aifément fon redoutable adver-
faire. C’en fon agilité & la promptitude de tous fes
mouvemens , qui l’ont fait choifir par les Auteurs de
la Mythologie Egyptienne & Grecque , pour le fym-
bole de la vîteffe du tems & de la rapidité avec
laquelle les fiècles roulent à la fuite les uns des autres;
& voilà pourquoi ils l’ont donné pour emblème à Saturne,
qui défigne ce tems; & voilà pourquoi encore,
ils l’ont repréfenté fe mordant la queue, & formant
ainfi un cercle parfait , pour peindre la fucceflion
infinie des fiècles de fiècles, pour exprimer cette durée
éternelle dont chaque inflant fuit avec tant de vîteffe,
& dont l’enfemble n’a ni commencement ni fin. C’eft
ainfi qu’il étoit- figuré en argent dans un des Temples
de Memphis , comme l’atteftent les monumens échappés
au ravage de ce même tems dont il étoit le fym-
bole ; & c’eft encore ainfi qu’il étoit repréfenté autour
de ces tableaux chronologiques où divers hiéroglyphes