2 5 6 H i s t o i r e N a t v r e l i e
à plufieurs habitans des provinces méridionales de
France, que dans quelques parties de ces provinces,
moins peuplées, plus couvertes de bois, plus entrecoupées
par des collines, d’un accès plus difficile, &
présentant plus de cavernes & d’anfraéluofités, on a voit
vu des Serpens d’une longueur très-confidérable, qu’on
auroit dû peut-être rapporter à l’efpèce ou du moins
au genre du Devin (a).
Mais c’eft fur - tout dans les déferts brûlans de
l ’Afrique, qu’exerçant une domination moins troublée,
il parvient à la longueur la plus conlîdérable. On
frémit lorfqu’on lit, dans les Relations des Voyageurs
(a) Schwenckfeld dit, dans fon hiftoire des Reptiles de îa Siléfïe ;
qu'un homme digne de foi lui avoit afluré qu’on trouvoit dans cette
Province , des Serpens longs de huit coudées & de la grofleur du
bras; il les appelle B o a , Natrix domejiica, Serpenspalujlris, Serpens
aquatilis, An guis B oa, Draco Serpens. Il eft dit dans les Mémoires
des Curieux de la Nature, pour l’année 1682, que peu de temps
auparavant on avoit pris , auprès de Laufanne en Suiile , un lî grand
Serpent, que fa circonférence égaloit celle de deux cuijjes très-grojj'es.
La relation ajoutoit que ce Serpent étoit monftrueux , & qu’il avoit
des oreilles ; & il eft à remarquer que, dans prefque tous les récits
vagues & peu circonftanciés que l’on a faits concernant les énormes
Serpens des Provinces méridionales de France, on leur a toujours
fuppofé des oreilles, quoiqu’aucune efpèce de Serpent n’ait même
d’ouverture apparente pour l’organe de l’ouïe. Voyez les Mélanges
des Curieux de la Nature de Vienne, Décur. Z , an. l68z , otjèrv. de
€harl.Offredi, p. 317.
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qui ont pénétré dans l’intérieur de cette partie du
monde , la manière dont l’énorme Serpent Devin
s’avance au milieu des herbes hautes & des brouffailles,
ayant quelquefois plus de dix-huit pouces de diamètre,
& femblable à une longue & greffe poutre qu’on
remuerait avec vîteffe. On apperçoit de loin, par le
mouvement des plantes qui s’inclinent fous fon paflàge,
l’efpèce de fillon que tracent les diverfes ondulations
de fon corps j on voit fuir devant lui les troupeaux
de gazèles & d’autres animaux dont il fait fa proie;
& le feul parti qui refte à prendre dans ces folitudes
immenfes pour fe garantir de fa dent meurtrière &
de fa force funefte, eft de mettre le feu. aux herbes
déjà à demi-brûlées par l’ardeur du fôleil. Le fer ne
fuffit pas contre ce dangereux Serpent, lorfqu’il eft
parvenu à toute fa longueur, & fur-tout lorqu’il eft
irrité par la faim. L’on ne peut éviter la mort qu’en
couvrant un pays immenfe de flammes qui fe propagent
avec vîteffe au milieu de végétaux prefqu entièrement
defféchés, en excitant ainfi un vafte incendie, <$t en
élevant, pour ainfi dire., un rempart de feu contre
la pourfuite de cet énorme animal. Il ne peut être,
en effet, arrêté, ni par les fleuves qu’il rencontre, ni
par les bras de mer dont il fréquente fouvent les bords,
car il nage avec facilité, même au milieu des ondes
agitées (a) ; & c’eft envain, d’un autre côté, qu’on
(a) u Le Paraguay a des Serpens qu’on nomme Chaffèurs ( c’eft