Ï 3 8 H i s t o i r e N a t v a e i l e
grand nombre de Serpens venimeux ; mais nous avons
vu ces efpèces terribles braver les rigueurs des climats
feptentrionaux, fe répandre dans notre Europe, infefter
nos contrées, pénétrer jufqu’auprès de nos demeures.
Environnés, pour ainfi dire , de ces miniftres de la
mort ? nous n’avons , en quelque forte , confidéré
qu’avec effroi, la furface de la terre ; enveloppée
dans un voile de deuil, la Nature nous a paru multiplier
, fur notre globe , les caufes de defrruclion ,
au-lieu d’y répandre les germes de la fécondité : cette
feule penfée a changé pour nous la face de tous les
objets. Notre imagination trompée a empoifonné
d’avance nos jouiffances les plus pures ; la plus belle
des faifons, celle où tout femble fe ranimer pour
s’aimer & fe reproduire , n’auroit plus été pour nous
que le moment du réveil d’un ennemi terrible armé
contre nos jours : la verdure la plus fraîche, les fleurs
les plus richement colorées, étalées avec magnificence
par une main bienfaifante & confervatrice, dans la
campagne la plus riante , n’auroient été à nos yeux
qu’un tapis perfide étendu par le génie de la deftruc-
tion , fur les affreux repaires de Serpens venimeux ;
& les rayons vivifians du foleil le plus pur ne nous
auraient paru inonder l’atmofphère que pour donner
plus de force aux traits empoifonnés de funeftes
Reptiles. Hâtons-nous de prévenir ces effets : faifons
fuccéder à ces tableaux lugubres, des images
d e s S e r p e n s. . 1 3 9
gracieufes ; que la Nature reprennè, pour ainfi dire,
à nos yeux , fon éclat & fa pureté. Les Couleuvres
que nous avons à décrire, ne nous prefenteront ni
venin mortel, ni armes funeftes ; elles ne nous montreront
que des mouvemens agréables, des proportions
légères, des couleurs douces ou brillantes j a mefure
que nous nous familiariferons avec e lle s , nous aimerons
à les rencontrer dans nos bois, dans nos champs,
dans nos jardins ; non - feulement elles ne troubleront
pas la paix de nos demeures champêtres , ni
la pureté de nos jours les plus fereins , mais elles
augmenteront nos plaifirs en réjouiflànt nos yeux par
la beauté de leurs nuances & la vivacité de leurs
évolutions : nous les verrons avec interet allier leurs
mouvemens à ceux des divers animaux qui peuplent
nos campagnes, fe retrouver fur les arbres julqu au
milieu des jeux des oifeaux , & fervir a animer, dans
toutes fes parties, le vafte & magnifique théâtre de la
Nature printanière.
Commençons donc par ceux que l’on rencontre en
grand nombre dans les contrées que nous habitons.
Parmi ces Serpens, le plusfouvent très-doux, &meme
quelquefois familiers , nous devons compter la Verte
& Jaune, ou la Couleuvre commune, j
Ce Serpent, dont M. d’Aubenton a parle le premier,
eft très-commun dans plufieurs Provinces de France ,
& fur-tout dans les méridionales ; il en peuple les
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