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les excès qui diminuent les fources de l’eXiftence, ils
ont créé ces fecours puiffans qui empêchent qu’elles ne
tarifent prefqu’au moment où elles commencent à
n’être plus fi abondantes. Tout compté, ils ont donné
à l’homme bien plus d’années, par tous les biens
qu’ils lui procurent, qu’ils ne lui en ont ô té , par les
maux qu’ils entraînent. Les animaux élevés en domef*
ticité, jouiflant des mêmes abris, & trouvant toujours
à leur portée la nourriture qui leur convient, parviendraient
prefque tous, comme l’homme, à une longue
vieilleffe ; ils recevraient ce bienfait de nos arts, en
dédommagement de la liberté qui leur eft ravie , fi
l’intérêt qui les élèv e, ne les abandonnoit dès que leurs
forces affoiblies & leurs qualités diminuées, les rendent
inutiles à nos jouiflànces.
Lorfque les très-grands Serpens font encore éloignés
de leur courte vieilleffe, lorfqu’ils jouifl'ent de toute leur
aélivité & de toutes leurs forces, ils doivent les.entretenir
par une grande quantité de nourriture fubftantielle;
auffi ne fe contentent-ils pas de brouter l’herbe, ou
de manger des graines & des fruits, ils dévorent les
artîmaux qu’ils peuvent faifir ; & comme, dans la plupart
des Serpens, la digeftion eft très-longue, ôc que
leurs alimens demeurent très - long - tems dans leur
corps, les fubftancesanimales qu’ils avalent, &qui font
très-fufceptibles de putréfaélion, s’y décompofent &.
s’y corrompent au point de répandre l’odeur la plus
fétide. Il eft arrivé à plufieurs Voyageurs, & particulièrement
à M. de la Borde ( a ) , qui avoient ouvert le
corps d’un Serpent, d’être comme fuffoqués par l’odeur
forte & puante qui s’exhaloit des reftes d’alimens que
l’animal avoit encore dans les inteftins. Cette odeur
vive pénètre le corps du Serpent, & , fe faifant fentir
de très-loin, annonce à une aflez grande diftance
l’approche du Reptile. Fortifiée dans plufieurs efpèces,
par celle qu’exhalent des glandes particulières ( é ) , elle
fort, pour ainfi dire, par tous les pores, mais fe répand
fur-tout par la gueule de l’animal ; elle eft produite
par un grand 'volume de miafmes corrupteurs & de
vapeurs méphitiques , qui , s’étendant jufqu’à la
viélime que le Serpent veut dévorer , l’inveftit ,
la fuffoque , ou ajoutant à la frayeur qu’infpire
la préfence du Reptile, l’enivre , lui ôte l’ufage de
(a) Notes manufcrites communiquées par M. de la Borde, Corref-
pondant du Cabinet du Roi , à Cayenne.
(b) Voyez les divers articles de cette Hiftoire.
et Au BreftI il fe trouve , à chaque pas > des Serpens dans les cam-
,5 Pagnes > dans les bois , dans l’intérieur des maifons , Sc juiques
39 dans les lits ou les hamacs} on en eft piqué la nuit comme le jour ,
» & â 1 on n y remedie pas aufïï-tôt par la faignée , par la dilatation de
55 -k bleflure , & par les plus puiflans antidotes , il faut s’attendre à
ri mourir dans les plus cruelles douleurs. Quelques efpèces jettent une
odeur de mule qui eft d’un grand fecours pour fe garantir de leurs,
»3 furprifes. a Hift. génér. des Voyag. édit, in-12. vol. 54 > pag.