On a prétendu que l’on trouvoit dans le corps des
Naja & auprès de leur tête , une pierre. que l’on a
„ c'eiM-dire, bonne Couleuvre, a reçu des Portugais le nom de
» Cobra capel, parce quelle a la tête environnée d’une peau large
„ qui forme une efpèce de chapeau. Son corps eft émaillé de cou-
jj leurs'très-vives qui en rendent la vue aufli agréable que fes hleffures
jj fou* dangereufes *, cependant elles ne font mortelles que pour ceux
JJ qui négligent d’y remédier. Les'diverfesrepréfentations de ces cruels
jj animaux font le plus bel ornement des Pagodes ; on leur adrefle
jj des prières & des offrandes. Un Malabare qui trouve une Couleuvre
jj dans fa maifon , la lupplie d’abord de fortir ; li fes prières font lans
jj effet, il s’efforce de l’attirer dehors en lui préfentant du lait, ou
jj quelqu’autre aliment; s’obftine-t-elle à demeurer ! On appelle les
jj Bramines , qui lui préfentent éloquemment les motifs dont elle
jj doit être touchée, tels que le refpeét du Malabare & les adora-
jj tions qu’ila rendues à toute l’efpèce. Pendant le fejour que EJellon
jj fit à Cananor , un Seçrétaire du Prince-Gouverneur fut mordu par
jj un de ces Serpens à chapeau qui étoit de la grolfeur du bras , 8c
jj d’environ huit pieds de longueur ; il négligea d’abord les remèdes
jj ordinaires, & ceux qui l’accompagnoient fe contentèrent de le
jj ramener à la V ille , -où le Serpent fut apporte auffi dans un vafe
jj bien couvert. Le Prince , touché de çet accident, -fit âppeller auffi-
jj tôt les Bramines, qui repréfentèrent à l’animal combien la vie d’up
jj Officier fi fidèle étoit importante à l’Etat; aux prières on joignit
jj les menaces ; on lui déclara que., fi le malade périfloit, elle feroit
jj brûlée vive dans le même bûcher : mais elle futinexorable, & le
jj Secrétaire mourut de la force du poifon. Le Prince fut extrêmement
jj fçflfible à cette perte ; cependant, ayant fait réflexion que le mort
p pouYoit être coupable de quelque faute fecrète qui lui avoit peutnommée
nominee pierre de Serpent, pierre de Serpent à chaperon,
pierre de Cobra , Suc. & qu’on a regardée comme un
remède affuré , non-feulement contre le poifon de ces
mêmes Serpens à lunettes, mais même contre les effets
de la morfure de tous les animaux venimeux. On
jj être attiré le courroux des Dieux, il fit porter hors du Palais le
jj vafe où la Couleuvre étoit renfermée , avee ordre de lui rendre
jj la liberté, après lui avoir fait beaucoup d’excufes & quantité de
jj profondes révérences.
jj Une piété bizarre engage un grand nombre de Malabares à porter
jj du lait & divers alimens dans les forêts ou fur les chemins , pour la
jj fubfiftance de ces ridicules Divinités. Quelques Voyageurs , ne pou-
jj vant donner d’explication plus raifonnable à cet aveuglement ,
jj ont jugé qu’anciennement la vue des Malabares avoit peut-être été
jj de leur ôter l’envie de venir chercher leur nourriture dans les
jj maifons, en leur fourniflant de quoi fe nourrir au milieu des
jj champs 8c des bois.
jj La loi que les Idolâtres s’impofent, de ne tuer aucune Couleuvre,
jj eft peu refpectée des Chrétiens & des Mahométans : tous les étran-
J> gers qui s’arrêtent au Malabar , font main-bafle fur ces odieux
jj Reptiles ; & c’eft rendre fans doute un important fervice aux habi-;
jj- tans naturels. II n’y a'point de jour ou l’on ne fût en danger d’être
jj mortellement Meilè, jufques dans les lits, fi l’on négligeoit de
w vifîter toutes les parties de la maiton qu’on habite, jj Description du
Malabar. Hiß. des Voy. édit, in- i 2 , vol. 43 , pag. 341 & ßiiv.
Serpens, Tome II. n