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quelquefois des animaux d’un volume fi confidérable
qu’il étoit étouffé en les dévorant ; & ç’eft ce temps
d’engourdiffement que choififfent les habitans des pays
qu’il fréquente, pour lui faire la guerre, & lui donner
la mort. C a r , quoique le Devin ne contienne aucun
poifon , il a befoin de tant confommer , que fon
voifinage eft dangereux pour l’homme , & fur-tout
pour la plupart des animaux domeftiques & utiles.
Les habitans de l’Inde, les Nègres de l’Afrique, les
Sauvages du nouveau Monde fe réunifient plufieurs
autour de l’habitation du Serpent Devin. Ils attendent
le moment où il a dévoré fa proie, & hâtent même
quelquefois cet inftant, en attachant auprès de l’antre
du Serpent quelque gros animal qu’ils facrifient, &
fur lequel le Devin ne manque pas de s’élancer.
Lorfqu’il eft repu il tombe dans cet affaiflèment & cette
infenfibilité dont nous venons de parler; & c’eft alors
qu’ils fe jettent fur lui, & lui donnent la mort fans
crainte comme fans danger. Ils ofent, armés d’un fimple
la c , s’approcher de lui & l’étrangler, ou ils l’affomment
jj homme ou quelqu’animal. On prétend d’ailleurs que f’efpèce n’eft
jj pas venimeufe. II eft vrai que nos foldats , preflés de la faim, en
jj ayant quelquefois trouvé qui venoient de crever pour avoir avalé
jj une trop grofle pièce , telle qu’un veau , les ont ouverts, en ont
jj tiré la bête qu’ils avoient dévorée', fans qu’il leur en foit arrivé le
jj moindre mal.' jj Defiription du Malabar } Hiß. génér. des Voyages,
édit, in-12. vol. 4 3 , pag. 343. '
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a coups de branches d arbres (ci). Le defir de fe délivrer
d’un animal deftrucleur, n’eft pas le feul motif qu’on
(a ) Lettre rfAndré Cléyerus.
Nous croyons qu’on verra ici avec plaifir le récit de la manière
dont, fuivant Diodore de Sicile , on prit, en Egypte & fous un
Ptolomée, un Serpent énorme qui , à caufe de fa grandeur, ne peut
etre rapporté qu à lefpècedu Devin, u Plufieurs chafleurs , encou-
jj ragés par- la munificence de Ptolomée , réfolurent de lui amener
jj à Alexandrie un des. plus grands Serpens. Cet énorme Reptile ,
jj long de trente coudées , vivoit fur le bord des eaux, il ydemeu-
jj roit immobile , couché à terre & Ion corps replié en cercle ;
jj mais lorfqu’il voyoit quelque animal approcher du rivage qu’il
jj habitait, il fe jetoit fur lui avec impétuofité, le faififloit avec fa
jj gueule, ou l’enveloppoit dans les replis de fa queue. Les ehaf-
jj feurs I ayant apperçu de lo in , imaginèrent qu’ils pourroient ailé-
jj ment le prendre dans des lacs & l ’entourer de chaînes-; ils s’avan-
jj cèrent avec courage, mais iorfqu’ils furent plus près de ce Ser-
jj pent démefuré, l’éclat de fes yeux étincelans., fon dos hérifîé
jj d’écailles, le bruit qu’il faifoit en s’agitant., fa gueule ouverte &
jj armée de dents longues & crochues, fon regard horrible & féroce,
j j les glacèrent d’effroi : ils osèrent cependant s’avancer pas à pas,
jj & jeter de forts liens fur fa queue ; mais à peine ces liens eurent-
jj ils touché le monftrueux animal, que fe retournant avec vivacité
jj & faifant entendre des fifflemens aigus , il dévora le chafleur qui
J> le trouva le plus près de lu i, en tua un fécond d’un coup de fa
jj quelle , & mit les autres en fuite. Ces derniers ne voulant cepen-
j j dant pas renoncer à la récompense qui les attendoit, & imaginant
JJ un nouveau moyen, firent faire un rêt compofé de cordes très*
*’ greffes, & proportionné à la grandeur de l’animal : ils le pla.-;