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fur-tout lorfqu’on l’irrite ; alors non-feulement elle
les anime, mais, ouvrant fa gueule, elle darde fa
langue , qui elt communément grife, fendue en deux,
& compoiée de deux petits cylindres charnus adhé-
rens l’un à l’autre jufques vers les deux tiers de leur
longueur; l’animal l’agite avec tant de vîteffe , quelle
étincelle , pour ainfi dire, & que la lumière qu’elle
réfléchit la fait paroître comme une forte de petit
phofphore. On a regardé pendant long-temps cette
langue comme une forte de dard dont la vipère fe
fervoit pour percer fa proie; on a cru que c’étoit â
l ’extrémité de cette langue que réfidoit fon venin , &
on l’a comparée à une flèche empoifonnée. Cette
erreur eft fondée fur ce q u e , toutes les fois que la
vipère veut mordre, elle tire fa langue & la darde
avec rapidité. Cet organe eft enveloppé, d’un bout â
l’autre, dans une efpèce de fourreau qui ne contient
aucun poifon Ça) ; ce n’eft qu’avec fes crochets que
la vipère donne la mort, & fa langue ne lui fert qu’à
retenir les infeétes dont elle fe nourrit quelquefois.
Non-feulement la vipère a fes deux mâchoires articulées
de telle forte qu’elle peut beauooup les écarter
l’une de l’autre , ainfi que nous l’avons dit Çb)\ mais
(fl) Voyez, fur la forme de la langue des Serpens, fe Difcours
fur la nature de ces Reptiles.
{b) Difcours fu r la nature des Serpens♦
D E S S E R P E TT S. ?J
encore les deux côtés de chaque mâchoire font attachés
eïifemhle de manière qu’elle peut les mouvoir
indépendamment l’un de l’autre, beaucoup plus librement
peut-être que la plupart des autres Reptiles ;
& cette faculté lui fert à avaler fes alimens avec
plus de facilité : tandis que les dents d’un côté font
immobiles & enfoncées dans la proie quelle a faille,
les dents de l’autre côté s’avancent, accrochent cette
même proie , la tirent vers le gofier , -1 affujétiffent,
s’arrêtent à leur tour , & celles, du côté oppofé fe portent
alors en avant pour attirer auffi la proie & relier
enfuite immobiles. C ’eft par ce jeu , plufîeurs fois
répété, & par ce mouvement alternatif des deux
côtés de fes mâchoires , que la vipère parvient à
avaler des animaux quelquefois allez confidérables,
qui, à la vérité, font pendant long-temps prefque
tout entiers dans fon oefophage ou dans fon eftomac,
mais qui diflbus infenfiblement par les fucs &
digeftifs , fe réfolvent en une pâte, liquide , tandis
que leurs parties trop groffières font rejetées par l’animal
(a ). Non-feulement, en effet, la vipère fe nourrit
(fl) « Nous avons remarqué cefa depuis peu dans une grande
» partie du corps du lézard qu’unevipère a vomi douzejpurs aprèsavoir
»» été prife , où nous, avons, vu qu’à la tête & aux jambes de devant,
>» &àla partie du corps qui les touchoit & qui avoit pu. être placée