de plus loin encore, afin que l’approche du Boiquira,
étant moins imprévue, fût auffi moins dangereufe. Ce
Serpent eil, en effet, d’autant plus à craindre , que
fes mouvemens font fouvent très-rapides, En un clin-
d’oeil,r il fe replie en cercle, s’appuie fur fa queue,
fe précipite comme un reffort qui fe débande, tombe
fur fa proie, la bleffe & fa retire pour échapper à la
vengeance de fon ennemi ; auffi les Mexiquains le
défignent—ils par le nom d’Ecacoatl, qui lignifie le vent.
Ce funefte Reptile habite prefque toutes les contrées
du nouveau Monde, depuis la terre de Magellan jufqu au
lac Champlain , vers le quarante-cinquième degré de
latitude feptentrionale.il régnoit,pour ainfi dire, au milieu
de ces vaftes contrées5, où prefqu’aucun animal n’ofoit
en faire la proie, & où les anciens Américains, retenus
par une crainte fuperftitieufe , redoutoient de lui
donner la mort (u); mais, encouragés par 1 exemple
des Européens , ils ont bientôt cherché' à fe délivrer
de cette efpèce terrible. Chaque jour les arts & les
travaux purifiant & fertilifant de plus en plus ces terre?
nouvelles , ont diminué le nombre des Serpens . à
fonn’ette, & l’efpace fur lequel ces Reptiles exerçoient
leur funefte domination, fe rétrécit à mefure que
l’empire de l’homme s’étend par la culture,
( a ) Kahn, Mém. de ï Acad, de Stockolm.
Le Boiquira
Le Boiquira fe nourrit d e ’vers (a ) , de grenouilles
& même de lièvres ; il fait auffi fa proie d’oifeaux
& d’écureuils ; car il monte avec facilité fur les arbres
s y élance avec vivacité de branche en branche ,
ainfi que fur les pointes des rochers qu’il habite, &
ce n eft que dans la plaine qu’il court avec difficulté,
& qu il eft plus aifé d’éviter fa pourfuite.
Son haleine empeftée, qui trouble quelquefois les
petits animaux dont il veut fe faifir, peut auffi empêcher
quils ne lui échappent. Les Indiens racontent qu’on
voit fouvent le Serpent à fonnette entortillé à l’entour
d un arbre, lançant des regards terribles contre un
écureuil qui, après avoir manifefté fa frayeur par fes
cris & fon agitation, tombe au pied de l’arbre où il
eft dévoré. M. Vofmaër, qui fait à la Haye des expériences
fur les effets de la morfure d’un Boiquira qu’il
avoit en vie, dit que les oifeaux & les fouris qu’on
lui jetoit dans la cage où il étoit renfermé, témoi-
gnoient une grande terreur; qu’ils cherchoient d’abord
a fe- tapir dans un coin, & qu’ils couroient enfuite,
comme faifis de douleurs mortelles, à la rencontre de
leur ennemi qui ne ceffoit de fonner de fa queue (b) -}
( a ) M- T/lon a trouvé un grand nombre de vers "du genre des
lombrics, dans leftomac & dans les inteftins d’un Boiquira. On en
trouve auffi quelquefois dans ceux de la vipère commune. Tranf.
philofoph. N.o 144.
(h) « Lorfqu’il a été pris , & qu’il fe voit enfermé , il refufc
Serpens Tome I I . f'jfj'