lequel il le tient ordinairement renfermé, il l’irrite en
lui préfentant un bâton, ou feulement le poing ; le
Naja fe dreflant auffi-tôt contre la main qui l’attaque,
s’appuyant fur fa queue, élevant fon corps , enflant
fon cou , ouvrant fa gueule , alongeant fa langue fourchue
, s’agitant avec vivacité , faifant briller fes yeux
& entendre fon fifflement, commence une forte de
combat contre fon Maître, q u i, entonnant alors une
chanfon , lui oppofe fon poing tantôt à droite & tantôt à
gauche 3 l’animal, les yeux toujours fixés fur la.main
qui le menace, en fuit tous les mouvemens, balance
fa tête & fon corps fur fa queue qui demeure immobile
& offre ainfi l'image d’une forte de danfe. Le Naja
peut foutenir cet exercice pendant un demi-quart
d’heure ; mais au moment que l’Indien s’apperçôit que,
fatigué par fes mouvemens & par fa fituation verticale,
le Serpent eft près de prendre la fuite , il interrompt
fon chant, le Naja ceffe fa danfe , s’étend à terre, &
fon Maître le remet dans fon vafe. Kempfer dit que
lorfqu’un Indien veut dompter un Naja & l’accoutumer
à ce manège , il renverfe le vafe dans lequel il
l’a tenu renfermé , va à la Couleuvre avec un bâton ,
l’arrête dans fa fuite , & la provoque à un combat
qu’elle commence fouvent la première -, dans l’inftant
où elle veut s’élancer fur lui pour le mordre , il lui
préfente le vafe & le lui oppofe comme un bouclier,
contre lequel elle bleffe fes narines, & qui la force à
rejaillir en arrière ; il continue cette lutte pendant
un quart-d’heure ou demi-heure , fuivant que ledu-
cation de l’animal eft plus ou moins avancée ; la
Couleuvre , trompée dans fes attaques , & blefl'ée
contre le vafe, celle de s’élancer, mais préfentant toujours
fes dents & enflant toujours fon cou , elle ne
détourné pas fes yeux ardens du bouclier qui lui nuit j
le Maître , qui a grand foin de ne pas trop la fatiguer
par cet exercice, de peur que, devenant trop timide,
elle ne fe refufe enfuite au combat, l ’accoutume in-
fenfiblement à fe drelfer contre le v a fe , & même
contre le poing tout nu , à en fuivre tous les mouvemens
avec fa tête fuperbement gonflée , mais fans
jamais ofer fe jeter fur fa main, de peur de fe blelfer ;
accompagnant d’une chanfon le mouvement de fon
bras, & par confequent celui du Reptile qui l’imite ,
il donne à ce combat l’apparence d’une danfe ; & il
en eft donc de ce Serpent funefte comme de prefque
tous les êtres dangereux qui répandent la terreur ,
la crainte feule peut les dompter.
Mais il ne faut pas croire que les Indiens foient
affez raflùrés par les effets de cette crainte , pour ne
pas chercher à défarmer , pour ainfi dire , le Reptile
contre lequel ils; doivent lutter. Kempfer rapporte
quils ont grand foin, chaque jour ou tous les deux
jours, d’épuifer le venin du Naja , qui fe forme dans
des veficules placées auprès de la mâchoire fupérieure,