Le Boiga eft un des Serpens les plus menus, relativement
à fa longueur ; à peine les individus de cette
efpèce que l’on conférVe au Cabinet du R o i, & dont
la longueur ell de plus de trois pieds , ont-ils quelques
lignes de diamètre ; leur queue eft prefque aufli longue
que leur corps, & va toujours en diminuant, de manière
à repréfenter une aiguille très-déliée, quelquefois
cependant • un peu aplatie par-deflus, par-deflous &
par les côtés. Les Boiga joignent donc des proportions
très-fveltes à la richelfe de leur parure ; aufli leurs
mouvemens font-ils très-agiles, & peuvent-ils , en fe
repliant plufieurs fois fur eux-mêmes, s’élancer avec
rapidité , s’entortiller aifément autour de divers corps,
monter, defcendre, le fufpendre r & faire briller en
un din-d’oe i l , fur les rameaux des arbres qu’ils habitent
, l’azur &. l’or de leurs écailles luifantes & unies.
Ils fe nourriflent de petits oifeanx qu’ils avalent avec
allez de facilité, malgré la petiteflë de leur: corps ,
& par une fuite de la faculté qu’ils ont d’élargir
leur gofier , ' ainfi que leur eftomac. D’ailleurs l’on
doit préfumer qu’ils ne cherchent à dévorer leur proie:
qu après l’avoir comprimée , ainfi que les grands Serpens
écrafent & compriment la leur. Le Boiga :fe
tient caché fous les feuilles pour furprendre les oifeaux;
il les attire, dit-on , par une efpèce de fifflement
qu’il fait entendre, & q u i, imitant apparemment
certains fons qui leur font familiers ou agréab le s le s
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trompe & les fait avancer vers le Serpent qui les
attend pour les dévorer. On a même voulu diftiriguer
par le beau nom de ckant, le fifflement du Boiga (a) ;
mais la forme de fa langue alongée & divifée en
deux, ainfi-que la conformation des autres organes qui
lui fervent a rendre des fons, ne peuvent produire
qu’un vrai fifflement, au lieu de faire entendre une
douce mélodie. Lé Boiga , non plus que les autres
Serpens prétendus chanteurs, ne mérite donc que le
nom de fiffleur. Mais fi la Nature n’en a pas fait
un des chantres des campagnes , il paraît qu’il réunit
un inftinét plus marque que celui de beaucoup d’autres
Serpens , à des mouvemens plus prompts & à
une parure plus magnifique. Dans l’Ifle de Bornéo ,
les enfans jouent avec lui; oh les voit manier fans
crainte ce joli Serpent, l’entortiller autour de leur
corps , le porter dans leurs mains innocentes , & nous
rappeller cet emblème ingénieux imaginé par la fpiri-
tuelle Antiquité, cette image touchante de la candeur
& de la confiance , qu’ils repréfentoient fous la forme
d’un enfant fouriant à un Serpent qui le ferroit dans
fes contours. Mais, dans cette charmante allégorie , le
Serpent receloit un poifon mortel, au lieu que le
Eoiga ne rend que des carefles aux jeunes Indiens, &
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(«) Voyez la defcriptiou du Cabinet de Séba.