354 H i s t o i r e N a t u r e l l e
Mais fi l’opinion religieufe ne l’a pas fait régner fur
l’homme dans toutes les contrées équatoriales, tant de
l’ancien que du nouveau continent, il n’en eft prefque
aucune où il n’ait exercé fur les animaux l’empire de
fa force. Il habite en effet prefque tous les pays où il
a trouvé aflez de chaleur pour ne rien perdre de fon
aélivité, aflez de proie pour fe nourrir, 6c aflez d’efpace
pour n être pas tropfouvent tourmenté par fes ennemis ;
il vit dans les Indes orientales 6c dans les grandes ifles
de l’Afie, ainfi que dans les parties de l’Amérique voifines
des deux Tropiques (a) ; il paraît même qu’autrefois il
habitoit à des latitudes plus éloignées de la ligne, 6c
qu’il vivoit dans le Pont, lorfque cette contrée, plus
remplie de bois, de marais 6c moins peuplée, lui pré-
fentoit une furface plus libre ou plus analogue à fes
habitudes 6c à fes appétits. Les relations des Anciens
doivent donner une bien grande idée de l’haleine
ernpeftée qui s’ exhaloit de fa gueule, puifqueMétrodore
a écrit que l’immenfe Serpent qu’il a place dans cette
(a) Il fe pourroit que le Serpent de la Jamaïque défîgné dans Brown
par la phrafe fuivante, Cenchris tardigrada majorlutea, maculis nigris
notata ; caudd breviori & crajjiori , appellé en Anglois the Yellow
Snake , 8c qui parvient ordinairement à la longueur de feize ou vingt
pieds , fut de l’efpèce du Devin, & qu'on ne lui eût donné l’épithète
de lent {tardigrada), que parce qu’on l’auroit vu dans le temps de fa
digeftion , ou dans un commencement d’engourdiflement. » Brown,
Jlifi. natur• de la Jamaïque, p- f f i f i
S E S S i 1 R P E N S, 3 5 5
contrée du Pont , 6c qui devoit être leDevin ,
avoit le pouvoir d’attirer dans fa gueule béante [
les oifeaux qui voloient au-deffus de fa tête, même à
une aflez grande hauteur (a). Ge pouvoir n’a confifté
fans doute que dans la corruption de l’haleine du
Serpent qui, viciant l’air à une très-petite diftance,
6c l’imprégnant de miafmes putrides 6c délétères, a
pu, dans certaines circonftances, étourdir des oifeaux,
leur ôter leurs forces, les plonger dans une forte
dafphixie, 6c les contraindre à tomber dans la gueule
énorme, ouverte pour les recevoir; mais quelque
exagéré que foit le fait rapporté par Métrodore , il
prouve la grandeur du Serpent auquel il l’a attribué,
6c confirme notre conjecture au fujet de l’identité de
fon efpèce avec celle du Devin.
Dun autre côté, peu de temps avant celui où Pline
a écrit, 6c fous l’empire de Claude, on tua, auprès
de Rome, fuivant ce Naturalifte, un très-grand Serpent
du genre des Boa, dans le* ventre duquel on trouva le
corps entier d un petit enfant, 6c qui pouvoit bien être
de lefpece du Devin (b ). J’ai fouvent oui dire aufli
(a) c< Metrodorus.. . . . circa rhyndacum amnem in Pônto, ut
» fuper volantes quamvis alte perniciterque alites haufta raptas abfor-
» béant. » Pline , liv. z 8 , chap. i 4.
(b) u Faciunt his fidem in Italia appellâtoe fioÿ ; in tàntam am-
» piitudinem exeuntes ut divo-Claudio Principe , occifæ in Vaticano
» folidus in alvo fpedatus fit infans. » P lin e, liv. s.8 , chap. t4.
j y ii