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ces énormes reptiles avoient avalé quelque grand animal
, & par exemple une brebis, ils s’efforçoient de
le brifer en fe roulant en plulieurs fens & en comprimant
ainfi avec force les os & les differentes parties,
de l’animal qu’ils avoient dévoré.
Leurs alimens étant triturés & préparés, avant de
parvenir dans leur eftomac, il eft aifé de voir qu’ils
doivent être aifément digérés, d’autant plus que leurs
fucs digeftifs paroiffent très-abondans, leur véficule du
fiel par exemple étant en général très-grande en proportion
des autres parties- de leur corps.
La mafle des alimens qu’ils avalent eft quelquefois
fi greffe , relativement à l’ouverture de leur gofier ,
que, malgré tous leurs efforts, l’écartement de leurs
mâchoires & l’extenfion de Jfeur peau,. leur proie ne
peut entrer qu’à demi dans leur eftomac. Etendus
alors dans leur retraite, ils font obligés d’attendre que
la partie qu’ils ont déjà avalée foit digérée , &
qu’ils puiffent de nouveau écrafer, broyer , enduire &
préparer les portions trop greffes ; & on ne doit pas
être étonné qu’ils ne foient cependant pas étouffés
par cette maffe d’alimens qui remplit leur gofier & y
interdit tout paffage à l’air ; leur trachee-artere par
où l’air de l’atmofphère parvient à leurs poumons (a) ,
(a) Il n’y a point d’épiglotte pour fermer l’ouverture de la trachée -,
cette ouverture ne confifte communément que dans une fente tres-
D E S S E R P E N S. /fj
s’étend jufqu’au-deffus du fourreau qui enveloppe leur
langue ; elle s’avance dans leur bouche de manière
que fon ouverture ne foit pas obftruée par un volume
d’alimens fuffifant néanmoins pour remplir toute la capacité
du gofier ; & l’air ne ceffe de pénétrer plus ou
moins librement dans leurs poumons jufqu’à ce que
prefque toutes les portions des animaux qu’ils ont faifis
foient ramollies , mêlées avec les fucs digeftifs , triturées
, &c. Quelques efforts qu’ils faffent cependant
pour brifer & concaffer les os, ainfi que pour ramollir
les chairs & les enduire de leur bave, il y a certaines
parties, telles, par exemple, que les plumes des oifeaux,
qu’ils ne peuvent point ou prefque point digérer , &
qu’ils rejettent prefque toujours.
Lorfque leur digeftion eft achevée , ils reprennent
une aélivité d’autant plus grande, que leurs forces ont
été plus renouvellées 5 & pour peu fur-tout qu’ils ref-
fentent alors de nouveau l’aiguillon de la faim -, ils
redeviennent très-dangerenx pour les animaux plus
fbibles qu’eux ou moins bien armés. Ils préludent
prefque toujours aux combats qu’ils livrent, par des
fifflemens plus ou moins forts. Leur langue étant très-
déliée & très-fendue, & ces animaux la lançant en
étroite, & voilà pourquoi ies Serpens ne peuvent faire entendre que
des üfflemens.