3 8 H i s t o i r e N a t v r e z z e
ont principalement obfervé le dépouillement annuël,
& comme leur imagination riante & féconde fe plaifoit
à tout embellir, ils ont regardé cette Opération comme
une forte de rajeuniffement, comme le figne d’une
nouvelle exiftence , comme un dépouillement de la
vieilleffe, & une réparation de tous les effets de l’âge ;
ils ont confacré cette idée par plufieurs proverbes, &
fuppofant que le Serpent reprenoit, chaque année, des
forces nouvelles avec fa nouvelle parure, qu’il joui doit
d’une jeuneffe qui s’étendoit autant que fa vie, & que
cette vie elle-même étoit très-longue, ils fe font déterminés
d’autant plus aifément à le regarder comme
le fymbole de l’éternité, que plufieurs de leurs idées
aftronomiques & religieufes fe iioient. avec ces idées
phyfiques. '
On ignore, dans le fait, quelle efl la longueur de
la vie des Serpens. On doit croire qu’elle varie fuivant
les efpèces, & qu’elle efl d’autant plus confidérable,
qu’elles parviennent à de plus grandes dimenfions.. Mais
on n’a point, à ce fujet , d’obfcrvations précifes &
fuivies. Et comment auroit-onpu en avoir? La conformation
extérieure de ces Reptiles efl trop fimple &
trop peu variée, pour qu’on ait pu s’affurer d’avoir vu
plufieurs fois le même individu dans les bois ou dans
les autres endroits où ils vivent en liberté ; & d’ailleurs,
les grands Serpens ont toujours infpiré trop de crainte
pour qu’on ait ofé effayer de les obferver avec affiduité ;
les moins grands ont été aufii l’objet d’une grande
frayeur, ou leur petiteffe, ainfi que la nature de leurs
retraites les ont dérobés aux regards de ceux qui
auraient voulu étudier, leurs habitudes. Mais, fi nous
manquons de faits pofitifs & de preuves direéfes à ce
fu je t, nous pouvons préfumer, par analogie, qu’en
général leur vie comprend un grand nombre d’années.
Les Quadrupèdes ovipares avec lefquels ils ont de très-
grands rapports, tant par leur conformation intérieure,
la température de leur fang, le peu de folidité de leurs
os, leurs écailles, &c. que par leurs habitudes, leur
engourdiffement périodique & leur dépouillement annuel,
jouiffent en général d’une vie alfez longue. Les
très-grandes efpèces de Serpens doivent donc vivre
très - long - tems ; fi nous les comparons en effet avec
les Crocodiles, qui ne parviennent de la longueur de
quelques pouces à celle de vingt-cinq ou trente pieds
qu’au bout de trente ans ( a ) , nous trouverons que les
Serpens dont la grandeur excède quelquefois quarante
pieds, ne doivent y parvenir qu’au bout d’un tems pour
le moins suffi long. Ces énormes Serpens fortent en
effet d’un oeuf, comme les Crocodiles ; leurs oeufs font
à-peu-près de la même groffeur que ceux de ces der-
( a ) 'Voyez l’article . du crocodile dans ITIiftoire Naturelle des
Quadrupèdes ovipares.