^6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
retraçoient aux yeux des Mexicains, de ce premier
peuple du nouveau monde , fes années, fes mois, &
les divers événemens qui en rempliffoient le cours (à).
Les Anciens ne lui ont-ils pas auffi attribué l’inftinél
étendu que les Voyageurs s’accordent à reconnoitre
dans cet être remarquable ? Ils ont ennobli, exagéré
cet inftiijél: ; ils l’ont décoré du nom d’intelligence ,
de prévoyance, de divination (b) ; <Sc voilà pourquoi,
placé autour du miroir de la Déeffe de la prudence,
il fut confacré à celle de la fanté, ainii qu’à Efculape
(a ) Defcription de la nouvelle EJpagne. Hiß. génér. des Voyages ,
édit, in-12. iom. 48.
(b) Les Habitons d’Argos vénéroient les Serpeas. Les Athéniens
difoient, fuivant Hérodote , qu'on avoit vu, dans le Temple, un
grand Serpent gardien & protefteur de là citadelle ; & même Jupiter
êtoit adoré fous la forme d'un Serpent dans plufieurs endroits de la
Grèce.
Mais, pour avoir une idée plus précife des opinions des Ancienj
t mchant l’intelligence, la vivacité, & les autres qualités des Serpens,
on peut confulter Plutarque, Eusèbe, Schaw , & M. Savary. Les
Egyptiens i’employoient, dans leur langue fymbolique, pour défigner
le foleil ; i l . repréfentoit auffi, pour ce Peuple, le bon génie , la
Bonté fuprême & infinie, dont le nom, Cneph , lui fut donné, fuivant
Eusèbe ; & les Phéniciens le nommoient de même Agatho Daimon ,
bon génie. Plutarque, Traitéd’Ifis & d'OJiris. — Eusèbe, Préparation
évangélique j liv. g. — Schaw, Obfirvations géographiques fü r la Syrie,
l ’Egypte, &c. tom. 2 , chap, g. — M. Savary, Lettres ß ir l’Egypte >
tom .z , pag. i iz .
adoré
adoré à Epidaure fous la forme d’un Serpent. N’ont-ils
pas reconnu fa longue vie lorfqu’ils ont feint que Cad-
mus, & plufieurs autres héros a voient été métamor-
phofés en Serpens:, comme pour défigner la durée de
leur gloire ; & que le choifilïànt pour repréfenter les
mânes de ce qui leur étoit cher , ils l’ont placé parmi
les tombeaux (a) ? N’ont-ils pas fait allufion à l’effroi
qu’il infpire , & principalement au poifon mortel qu’il
recèle quelquefois , lorfqu’ils l’ont donné aux Euménides
, dont il entoure & hériffe la tête -, à l’Envie ,
dont il perce le coeur ^ à la Difcorde, dont il arme
les mains fanglantes ? Et cependant, par un certain
contrafte d’idées que l’on rencontre prefque toujours
lorfque les objets ont été examinés plufieurs fois &
par divers y eu x , n’ont-ils pas vu , dans le Serpent,
cette beauté {de couleurs & ces proportions déliées
que nous y ferons plus d’une fois remarquer ? Ne lui
ont-ils pas accordé la beauté, puifqu’ils ont dit que
Jupiter qui, .pour plaire à Léda , avoit pris la forme
élégante du cygne, avoit choifi celle du Serpent pour
obtenir les faveurs d’une autre Divinité ? Toutes ces
idées, répandues des contrées de l’Afie anciennement
peuplées (bj) , s’étendant parmi les fociétés à demi-
(a ) Voyez, à ce fujet, dans le 5.' Livre de l’Enéide , la belle
defcription du Serpent qu'Enée vit autour du tombeau de fon père.
(b) Un Roi de Calécut avoit ordonné que celui qui tueroit un
Serpens, Tome JJ. H