3 <5b H i s t o i r e N a t o r e i z e
de venin, & font dépourvus des crochets mobiles qu’on
remarque dans les Vipères, on eft affez embarraffé
pour diftinguer, parmi-les divers faits rapportés par
les Voyageurs, touchant les Serpens, ceux qui conviennent
au Devin. Il paraît bien conftaté cependant
qu’il y jouit d’une force aifez grande, pour qu’un feul
coup de fa queue renverfe un animal aifez gros, &
mêiîie l’homme le plus vigoureux. Il y attaque le
gibier le plus difficile à vaincre ; on l’y a vu avaler
des chèvres & étouffer des cougars , ces repré-
fentans du tigre dans le nouveau monde. Il dévore
quelquefois , dans les Indes orientales, des animaux
encore plus coniidérables, ou mieux défendus, tels
que des porc-épics, des cerfs &. des taureaux (a) ;
(a) ci Ces Serpens ( ceux dont parle ici l’Auteur font évidemment
»» des Serpens Devins )' ont plus de vingt-cinq pieds de longueur , &
m quoiqu'ils ne parodient pas pouyoîr ayaler de gros animaux •
«j l’expérience prouve le contraire. J’achetai d’un chaiieur un de ces
>> Serpens , que je difléquji, & dans le ventre duquel je trouvai un
>j cerf entier de moyen-âge & revêtu encore de fa peau ; j’eq achetai
» un autre qui avait dévoré un bouc fauvage, malgré les grajidps
sj cornes dont il étpit armé; & je tirai du ventre d’un troilîème, un
ts porc-épic entier & garni de fes piquans* Dans fille d’Amhoine ;
js une femme grofle fut un jour avalée toute entière par un de ces
js Serpens. ? j Extrait d’une Lettre d’André Cleyerus, écrite de Batavia
£ Ment\élius, Ephémérides des Curieux de la Nature. Nuremberg )
1684, Décade z , an. z , 1683, p . 18.
& ce fait
& ce fait effrayant étoit déjà connu des Anciens (a).
Lorfqu’il apperçoit un ennemi dangereux, ce n’eft
point avec fes dents qu’il commence un combat qui
alors feroit trop défavantageux pour lui ; mais il fe
précipite avec tant de rapidité fur fa malheureufe
viétime, l’enveloppe dans tant de contours, la ferre
avec tant de force, fait craquer fes os avec tant de
violence, que, ne pouvant ni s’échapper, ni ufer de
fes armés, & réduite à pouffer de vains mais d’affreux
hurlemens, elle eft bientôt étouffée fous les efforts multipliés
du monftrueux Reptile.
Si le volume de l’animal expiré eft trop confidé-
rable pour que le Devin puiffe l’avaler, malgré la grande
ouverture de fa gueule, la facilité qu’il a de l’agrandir,
& l’extenfion dont prefque tout fon corps eft fufcep-
tible, il continue de preffer fa proie mife à mort ; il
en écrafe les parties les plus compares ; & , lorfqu’il
ne peut point les brifer ainfi ave,c facilité, il l’entraîne
en fe roulant avec elle auprès d’un gros arbre, dont
il renferme le tronc dans fes replis; il place fa proie
entre l’arbre & fon corps; il les environne l’un &
1 autre de fes noeuds vigoureux; & , fe fervant de la
tige noueufe comme d’une forte de levier, il redouble
(a) Megafthençs'(cribit, in Ladia Serpentes in tantam magnitu-
dinem adolefcere, ut folidoshauriant cervos taurofque.Püae , j.iy. 2,8,
chap. 14.
Serpens, Tome II.