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Nous te faluons, 6 Buffon , peintre foblime de ce fpe clacle
aitgufie toi dont le génie hardi, non content de parcourir
l ’immenfilé des deux, & de chercher les limites de Vefpaçe,
a voulu remonter jufques à celles du temps (a).
Tu as demande à. la matière par quelle force pénétrante
ces aflres immobiles, ces pivots embrafés de l’univers, brûlent
des feux dont ils refplendijfent.
Tuas demahdé aux fîècles, par quel moteur puijfant, ces
autres, aflres errans qui brillent d’une lumière étrangère,
& circulent en tfclaves fournis autour des foleils qui les
maîtrifent, furent placés fur la route célefle qui leur a été
prefcrite, & reçurent le mouvement dont ils paroiJJ'ent animés.
Nous te faluons, 6 chantre immortel des deux ; que le
firmament femé d’ étoiles, que toutes les clartés répandues
dans l ’ejpace , que tout ce magnifique cortège de la nuit
rappelle à jamais ta gloire !
Cependant les premiers feux du jour dorent l’Orient ;
l’aftre de la lumière fe montre dans toute fa majefté ; il
rougit les cimes ifolées qui s’élancent dans les airs, St
étincelle, pour ainfi dire, contre les immenfes glaciers
qui inveftiffent les Monts. Une vapeur épaiiïe remplit
encore le fond des vallées, & dérobe les collines à nos-
yeux. Une vafte mer paroît avoir envahi le globe i quel-
( cl) Atàck di la formation des Planètesj première & fécondé Vues de la Nature, &ç. fü
M. de Buffon*
d e b u f f o n . 5
ques pics couverts de glaces refplendiffahtes le montrent
feulement au-deffus de .cette mer immenfe dont les flots
légers, agites par le vent, roulent en grands volumes,
s élèvent en tourbillons, & menacent de furmonter les
roches les plus hautes. Nous croyons voir avec Buffon,
la tçrre encore couverte par les eaux de l’O céan, &
recevant au milieu des ondes, fa forme, fes inégalités,
fes montagnes, fes vallées j & notre hymne continue.
Nous te faluons , o Buffon, toi dont Le génie-après avoir
parcouru l ’immenfité' de l’ ejpace & du temps , a plané au-
dejfus de notre globe & de fes uges (a).
Tu as vu la terre fortant du foin des eaux ; les montagnes
fecondaires s devant par les efforts accumulés des cour ans
du vafle Océan y les vallons creufés par fes ondes rapides y
les végétaux développant leurs cimes verdoyantes fur les
premières .hauteurs abandonnées par les eaux y ces bois
touffus livrant leurs dépouilles aux flots agités y les abîmes
de l Océan recevant tes dépôts précieux comme autant de
fources de chaleur & de feu pour les fîècles à venir, & les
plaines de la mer peuplées d’animaux dont les débris forment
de nouveaux rivages ou exhaufent les anciens.
Tu as vu le feu jaillijfant avec violence des entrailles de
la terre, fur le bord des ondes qui fe retiraient, élevant par
f in effort de nouvelles montagnes, ébranlant les anciennes ,
, (a ) Théorie ie U titre & Épt^uts & & Ntture, far M- ie Bujfiu.