>o H i s t o i r e N a t v r b z z b
des fontaines, ou des bords des fleuves qu’ils choififlent
leur repaire. C’eft-là que, fous le foleil ardent des;
contrées équatoriales, & , par exemple, au milieu des
déferts fablonneux de l’Afrique, ils attendent que la
chaleur du midi amène au bord des eaux, les gazelles,
les antilopes, les chevrotains qui, confumés par la foif,
excédés de fatigue, & fouvent de difette, au milieu de
ces tërres deflechées & dépouillées de verdure, viennent
leur livrer une proie facile à vaincre. Les tigrés & les
autres animaux moins altérés d’eau que de fang, viennent
auflï fur ces rives, plutôt pour y faifir leurs victimes ,
que pour y étancher leur foif. Attaqués fouvent par les
énormes Serpens, ils les attaquent eux-memes. Ceft
fur-tout au moment où la chaleur de ces contrées efl:
rendue plus dévorante par l’approche d un orage qui
fait briller les foudres & entendre fés affreux roulement,
&. où l’aétion du fluide éleétrique répandu dans 1 atmol-
phère , donne, en quelque forte, une nouvelle vie aux
Reptiles, que, tourmentés par une faim extrême, animes
par toute l’ardeur d’un fable brûlant & d un ciel qui
paroît s’allumer, environnés de feu, & le lançant, pour
ainfi dire, eux-mêmes par leurs yeux étineelans, le
*Serpent & le tigre fe difputent avec le plus d acharne-'
ment, l’empire de ces bords fi fouvent enfanglantes.
Des Voyageurs difent avoir vu ce fpeétaele terrible j
ils ont vu un tigre furieux, & dont les rugiffemens
portoient au loin l’épotïvante, faifir avec fes griffes,
déchirer avec fes dents, faire couler le fang d’un
Serpent démefuré, qui, roulant fon corps gigantefque,
& fifflant de douleur & de rage, ferroit le tigre dans
fes contours multipliés, le couvrait de fon écume rougie,
l’étouffoit fous fon poids, & faifoit craquer fes os au
milieu de tous fes raiforts tendus avec force ; mais les
efforts du tigre furent vains, fes armes furent impuif-
iàntes, & il expira au milieu des replis de l’énorme
Reptile qui le tenoit enchaîné.
Et que l’on ne foit pas étonné de la grande puiffance
des Serpens. Si les animaux carnaffiers ont tant de force
dans leurs mâchoires, quoique la longueur de ces
mâchoires n’excède guère un pied, & qu’ils n’agiffent
que par ce levier unique, quels effets ne doivent pas
produire, dans les Serpens, un très - grand nombre de
leviers compofés des os, des vertèbres ,& des côtes, &
qui, par l’articulation de ces mêmes vertèbres, peuvent
s’appliquer avec facilité aux corps que les Serpens
veulent faifir & écrafer?
A la force & à l’adrefle les Serpens réunifient un
nouvel avantage ; on né peut leur ôter la vie que
difficilement, ainfi qu’aux Quadrupèdes ovipares , &
ils peuvent, fans en périr, perdre une portion de leur
queue, qui repouffe prefque toujours lorfqu’elle a été
coupée ( a). Mais ce n’eft pas feulement par des
.(<i) ]Les Anciens ont exagérécette propriété des Reptiles
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