a Ô2 H i s t o i r e N a t u r e l l e
chaque tête cherche le côté qui lui appartient, & que
lorfqu’elle s’y eft attachée, le Serpent fe trouve dans
le même état qu avant d’avoir été divifé ; que le moyen
de tuer un Amphifbène, eft de couper les deux têtes
avec une petite partie du corps, & de les fufpendre â un
arbre avec un cordeau ; que même cette maniéré n eft
pas très-sûre ; que lorfque les oifeaux de proie ne les
mangent point, &. que le cordeau fe pourrit, 1 Am—
philbène, defleché par le foleil , tombe à terre , &
qu’à la première pluie qui furvient, il renaît par le
fecours de l’humidité qui le pénètre ; que, par une
fuite de cette propriété, ce Serpent réduit en poudre
eft le meilleur fpécifique pour réunir & fouder les os
cafl'és (a) &c. Combien d’idées ridicules le défaut de
lumières <$t le befoin du merveilleux n’ont-ils pas fait
adopter i
L’efpèce de ces Amphilbènes la plus anciennement
connue , eft celle de l’Enfumé, Le nom de ce Serpent
lui vient de fa couleur qui eft en effet tres-foncee ,
prefque noire , & variée de blanc. Il parvient communément
à la longueur d un pied ou deux , mais fa
queue n’excède prefque jamais celle de ‘douze ou
quinze lignes (!>)• Ses yeux font non-feulement tress
a ) Voyez l’Hiftoire natureEe de i’Orenoque, tradudtion françoife,
J ion , 1758 , tom. 3 , p. 86.
f i ) On compte ordinairement deux cens anneaux fur le corps dç
l’Enfuroé , 8? trente fur fa queue.
petits, mais encore recouverts, & comme voilés par
une membrane ; c’eft cette conformation finguliè-re qui
lui a fait donner, ainfi qu’aux Anguis, le nom de Serpent
aveugle, & qui établit un nouveau rapport entre ce
Reptile & lesMurènes, leseongres, & les anguilles qui
d’ailleurs reffemblent à beaucoup d’égards aux Serpenâ,
& que l’on a quelquefois même appelles Serpens d’eau>
L ’Enfumé habite les Indes orientales particulièrement
l’Ifle de Ceylan. On le rencontre aufli en
Amérique; on ignore une grande partie de fes habitudes,
mais l’on fait qu’il fe nourrit de vers de terre, de mollafles,
de divers infeéles , de cloportes , de fcolopendres, &e.II
fait aufli la guerre aux fourmis dont il paroît qu’il
aime beaucoup à fe nourrir.; bien loin de chercher
à détruire ou diminuer fon efpèce , on devrait donc
tâcher de la multiplier dans les contrées „torrides fi
fouvent dévaftées par des légions innombrables de
fourmis , qui s’avançant en colonnes preflees , &
couvrant un grand efpace, laiflent par-tout des traces
funeftes que l’on prendrait pour celles de la flamme
dévorante. L’Enfumé fait - aifément fa proie de ces
fourmis ainfi que des vers , des larves d infeéles , &
de tous les petits animaux qui fe cachent fous terre, la
faculté qu’il a de reculer ou d’avancer fans fe blefler
lui donnant, ainfi que fa conformation générale, une
très-grande facilité pour pénétrer dans les retraites
fouterraines des vers des fourmis, & des infeéles.