mais cet effet d’une vapeur méphitique & puante , a
été exagéré <§t dénaturé au point de devenir mer-“
veilleux. On a dit que le Boiquira aVoit, pour ainfi
dire, la faculté d’enchanter l’animal qu’il vouloit
déyorer; que, par la puiffance de fon regard, il le
contraignoit à s’approcher p e u -à -p eu , & à fe précipiter
dans fa gueule; q u e l’homme même ne pouvoit
réfifter à la force magique de fes yeux étincelans, &
que, plein de trouble, il fe préfentoit à la dent envenimée
du Boiquira, au lieu de chercher à l’éviter.
Pour peu que les Serpens à fonnette euffent été plus
connus, <Sc qu on fe fut occupe de leur hilloire, on
auroit bientôt fans doute ajouté à ces faits merveilleux,
de nouveaux faits plus merveilleux encore. Et combien
de fables n’auroit-on pas fubftituées au fimple
effet d’une haleine fétide, qui même n’a jamais été
ni auffi fréquent , ni auffi fort que ôertains Naturalises
l’ont penfé ! L’on doit préfumer , avec Kalm ,
que le plus fouvent , lorfquon aura vu un oifeau ,
ou un écureuil ou tout autre animal fe précipiter,
pour ainfi dire, du haut d’un arbre dans la gueule du
„ toute nourriture, & on dit qu’il peut vivre fix mois de. cette
„ manière : il eft alors très-irrité ; fi on lui préfente des animaux ,
» il les tue, mais ne les mange pas. n Kalm, Mémoires de l Acad,
de Suide, Coll, académ. tom. 1 1 , pag. 55.
Serpent a fonrrette , il aura été déjà mordu par le
Serpent ; qu’il fe fera enfui fur l’arbre ; qu’il aura
exprimé, par fes cris & fon agitation, l’aétion violente
du poifon laiffé dans fon fang par la dent du Reptile;
que fes forces fe feront infenlïblement affoiblies; qu’il
fe fera laiffé aller de branche en branche, & qu’il
fera tombé enfin auprès du Serpent, dont les yeux
enflammes & le regard avide auront fuivi tous fes
mouvemens, & qui fe fera de nouveau élancé fur lui,
lorfqu il 1 aura vu prefque fans vie. Plufîeurs obfer—
vations rapportées par les Voyageurs , & particulièrement
un fait raconté par Kalm , paroiffent le
prouver (a).
On a écrit que la pluie augmentait la fureur du
Boiquira; mais il faut que ce foit une pluie d’orage,
car il ne craint point d’aller à l’eau. C’eft lorfque le
tonnerre gronde qu’il eft le plus redoutable'; on frémit
lorfquon penfe a»l’état affreux & aux angoifles mortelles
qu éprouvé celui qui, pourfuivi par un orage
terrible, au milieu de ténèbres épaiffes qui lui dérobent
fa route, cherche un afyle fous quelque roche avancée,
contre les flots d’eau qui tombent des nües, apperçoit.
au milieu de 1 obfcurité, les yeux étincelans du Serpent
a- fonnette , & le découvre à la .clarté des éclairs,
( a ) Kalm, Ouvrage déjà cité.
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