48 H i s t o i r e N a t w r e i i e
dehors, lorfqu’ils veulent faire entendre quelques fons,
leurs cris doivent toujours être modifiés en fifflemens ;
& il eft à remarquer que ces fifflemens plus ou moins
aigus ne paroifl'ent pas être comme les cris de plufieurs
Quadrupèdes ou le chant de plufieurs oifeaux , une
forte de langage qui exprime les fenfations douces
auffi bien que les affeélions terribles ; ils n’annoncent
dans les grands Serpens que le befoin extrême , ou
celui de l’amour ou celui de la faim. On diroit qu’aucune
affeéfion paifible ne les émeut affez vivement
pour qu’ils la manifeftent par l’organe de la voix ;
prefque tous les animaux de proie tant de l’air que
de la terre , les aigles , les vautours , les tigres, les
léopards , les panthères , ne font également entendre
leurs cris ou leurs hurlemens que lorfque leurs chaffes
commencent ou qu’ils fe livrent des combats à mort
pour la libre poffeffion de leurs femelles. Jamais on ne
les a entendus comme plufieurs de nos animaux do-
meftiques , <5c la plupart des oifeaux chanteurs , radoucir
, en quelque forte , les fons qu’ils peuvent pro-,
férer , & exprimer par une fuite d’accens plus ou
moins tranquilles , une joie paifible , une jouifTançe
douce , & pour ainfi dire , un plailir innocent ; leur
langage ne fignifie jamais que colère & fureur -, leurs
clameurs ne font que des bruits de guerre ; elles
n’annoncent que le defir de faifir une proie, & d’im-
papier un ennemi, ou ne font que l’expreffion terrible
de la douleur
d e s ' S e r p e n s . 40
de la douleur aigue qu’ils éprouvent, lorfque leur
force trompée n’a pu les garantir de bleffures cruelles
ni leur conferver la femelle vers laquelle ils étoient
entraînés par une puiffance irréfiffible.
Si les fifflemens des très-grands Serpens étoient entendus
de loin, comme les cris des tigres, des aigles,
des vautours, &c. ils ferviroient à garantir de l’approche
dangereufe de ces énormes Reptiles : mais ils
font bien moins forts que les rugiffemens des grands
Quadrupèdes carnaffiers & des oifeaux de proie. La
malle feule de ces grands Serpens les trahit , & les
empêche de cacher leur pourfuite ; on s’apperçoit facilement
de leur approche, dans les endroits qui ne font
pas couverts de- bois, par le mouvement des hautes
herbes qui s’agitent & fe courbent fous leur poids ; &
on les voit auffi quelquefois, de loin, repliés fur eux-
mêmes , & préfentant ainfi un cercle affez vafle &
affez élevé (a).
Soit qu’ils recherchent naturellement l’humidité, ou
que l’expérience leur ait appris que le bord des eaux,
dans les contrées torrides, étoit toujours fréquenté par
les animaux dont ils font leur proie, & qu’ils peuvent
y trouver en abondance, & fans la peine de la recher-*
che, 1 aliment qu’ils préfèrent, c’eff auprès des mares,
(a) M .Adanfon, Vbyag: au Sénégal.
Serpens. Tome II. G