quilles dans une région, peuvent en offrir dans une autre.
Cette considération est importante pour obvier à la tendance assez
générale de trop multiplier les formations; car, lorsque sur un
même point du globe un terrain (par exemple de grès) abonde
dans sa partie inférieure en corps fossiles, et que sa partie supérieure
en manque entièrement, cette seule absence des fossiles
ne justifie pas la scission du même terrain en deux formations
distinctes. Dans la description géologique des environs de
Paris, M. Brongniart a très-bien réuni les meulières sans coquilles
avec celles qui sont comme pétries de coquilles d’eau douce.
Nous venons de voir qu’une formation peut renfermer dans
différens strates des pétrifications spécifiquement différentes,
mais que le plus souvent quelques espèces du strate inférieur
se mêlent à la grande masse d’espèces hétérogènes qui se trouvent
réunies dans le strate superposé. Lorsque cette différence
porte sur des genres dont les uns sont des coquilles pélagiques,
les autres des coquilles d’eau douce, le problème de l’unité ou
de l’indivisibilité d’une formation devient plus embarrassant. IJ
faut d’abord distinguer deux cas : celui où quelques coquilles
fluviatiles se trouvent mêlées à une grande masse de coquilles
marines, et celui où des coquilles marines et fluviatiles pour-
roient alterner couche par couche. MM. Gilet de Laumont et
Beudant ont fait des observations intéi’essantes sur ce mélange de
productions marines et d’eau douce dans une même couche. M.
Beudant a prouvé, par des expériences ingénieuses, comment
beaucoup de mollusques fluviatiles s’habituent graduellement à
vivre dans une eau qui a toute la salure de l’océan. Le même
savant a examiné, conjointement avec M. Marcel de Serres,
certaines espèces de paludines qui, préférant les eaux saumâtres,
se trouvent près de nos côtes, tantôt avec des coquilles pélagiques,
tantôt avec des coquilles fluviatiles. ( Journ. de phys. ,
T. L X X X I I I , mm l3 7 > H L X X X V I I I , pag. 211 ; Brongniart,
Géogr. min., pag. 27, 54, 89.) A ces faits curieux se
joignent d’autres faits, que j’ai publiés dans la Relation de mon
Voyage aux régions équinoxiales (T. I , pag. 535 et T. I I , pag.
606), et qui semblent expliquer ce qui s’est passé jadis sur le
globe, d’après ce que nous observons encore aujourd’hui. Sur
les côtes de la Terre-ferme, entre Cumana et Nueva-Barcelona,
j’ai vu des crocodiles s’avancer loin dans la mer. Pigafetta a
fait la même observation sur les crocodiles de Bornéo. Au sud
de l’ile de Cuba, dans le golfe de Xagua, il y a des lamantins
dans la mer, sur un point où, au milieu de l’eau salée, jaillissent
des sources d’eau douce. Lorsqu’on réfléchit sur l’ensemble
de ces faits, on est moins étonné du mélange de quelques productions
terrestres avec beaucoup de productions incontestablement
marines. Le second cas que nous avons indiqué, celui de
l’alternance, 11e s’est jamais présenté, je crois, d’une manière
aussi prononcée que l’alternance du thonschiefer et du calcaire
noir dans un même terrain de transition, ou (pour rappeler un fait
qui a rapport à la distribution des corps organisés) que l’alternance
de deux grandes formations marines (calcaire à cérites et
mès de Romainville ) , avec deux grandes formations d’eau douce
( gypse et meulières du plateau de Montmorency). Ce que l’observation
attentive des superpositions a offert jusqu’ici, se réduit
à des couches alternantes de gypse et de marne, placées entre
deux formations marines, et renfermant au centre (dans leur
plus grande masse) des productions terrestres et d’eau douce, et
vers les limites supérieure et' inférieure, tant dans le gypse que
dans les marnes, des productions marines : telle est la constitution
géologique du gypse de Montmartre. La variation spécifique
dans les pétrifications, le mélange observé à Pierrelaie, et le
phénomène d’alternance que présente Montmartre, ne suffisent
pas pour motiver le morcellement d’une même formation. L^s
marnes et le gypse qui renferment des coquilles marines (n.° 26
de la troisième mas§e), ne peuvent être géognostiquement séparés
des marnes et des gypses qui renferment des productions d’eau
douce. Aussi MM. Cuvier et Brongniart n’ont pas hésité de considérer
l’ensemble de ces marnes et de ces gypses marins et d’eau