qui connoit si bien la valeur des caractères zoologiques, restreint
leur application absolue au cas « où la superposition ( les cir-
« constances de gisement) ne s’y opposent pas.» Je pourrois
citer les cérites du calcaire grossier qui se trouvent (près de Caen)
au-dessous de la craie, et qui semblent indiquer, comme la
répétition des argiles avec lignites en dessus et au-dessous de
la craie, une certaine connexité entre des terrains qu’au premier
coup d’oeil on croiroit entièrement distincts. Je pourrois
m’arrêter à d’autres espèces de coquilles, qui appartiennent à la
fois à plusieurs formations tertiaires, et rappeler que si un jour,
par des caractères peu sensibles et par de foibles nuances, on
parvenoit à séparer des espèces que l’on croit identiques aujourd’hui,
la finesse même de ces distinctions ne rassureroit pas
trop sur l’universalité, d’ailleurs si désirable, des caractères zoologiques
en géognosie. Une autre objection, tirée de l’influence
que les climats exercent même sur les animaux pélagiques,
me paroît plus importante encore. Quoique les mers, par des
causes physiques très-connues, offrent, à de grandes profondeurs,
la même température sous l’équateur et sous la zone
tempérée , nous voyons pourtant, dans l’état actuel de notre
planète, les coquilles des tropiques (parmi lesquelles les. uni-
valves dominent, comme parmi les testacés fossiles) différer
beaucoup des coquilles des climats septentrionaux. Le plus
grand nombre de ces animaux aiment les récifs et les bas-fonds:
d’où il suit que les différences spécifiques sont souvent très-
sensibles, sous un même parallèle, sur des cotes opposées. Or,
si les mêmes formations se répètent et s’étendent, pour ainsi
dire, à de prodigieuses distances, de l’est à l’ouest et du nord
au sud, d’un hémisphère dans l’autre, n’est-il pas probable,
quelles que soient les causes compliquées de l’ancienne tempér
rature de notre globe, que des variations de climats ont modifié,
jadis comme de nos jours, les types d’organisation, et
qu’une même formation (c’est-à-dire une même roclfe placée,
dans les deux hémisphères, entre deux formations homonymes)
a pu envelopper des espèces distinctes ? Il arrive souvent sans
doute que des couches superposées présentent un contraste de
corps fossiles très-frappant. Mais peut-on conclure de là qu’a-
près qu’un dépôt s’étoit formé, les'êtres qui habitoient alors la
surface du globe, aient tous été détruits ? Il est incontestable
que des générations de types différens se sont succédé les unes
aux autres. Les ammonites, que l’on trouve à peine parmi les
roches de transition, atteignent leur maximum dans les couches
qui représentent sur différens points du globe le muschelkalk et
le calcaire du Jura ; ils disparoissent dans les couches supérieures
de la craie et au-dessus de cette formation. Les échini-
tes, très-rares dans le calcaire alpin et même dans le muschelkalk,
deviennent au contraire très-communs dans le calcaire du
Jura, dans la craie et les terrains tertiaires. Mais rien ne nous
prouve que cette succession de différens types organiques, cette
destruction graduelle des genres et des espèces, coïncide nécessairement
avec les époques où'chaque terrain s est forme. «La
« considération de similitude ou de différence entre les débris
« organiques n’est pas d’une grande importance, dit M. Beudant
« {Voyage min., iom. I I I , pag. 278), lorsque l’on compare des
« dépôts qui se sont formés dans' des contrées très - éloignées
« les unes des autres : elle est de beaucoup d’importance, si
« l’on compare des dépôts très-rapprochés. »
Tout en combattant les conclusions trop absolues qu’on pour-
roit être tenté de tirer de la valeur des caractères zoologiques,
je suis loin de nier les services importans que l’étude des corps
fossiles rend à la géognosie, si l’on considère celte science sous
un point de vue philosophique. La géognosie ne se borne pas
à chercher des caractères diagnostiques ; elle embrasse l’ensemble
des rapports sous lesquels on peut considérer chaque formation
: i.° son gisement; 2.0 sa constitution oryctognostique
(c’est-à-dire, sa composition chimique, et le mode particulier
d'agrégation plus ou moins cristalline de ses molécules) ; 3.°
l’association des différens corps organisés que l’on y trouve en