Je ne citerai pas les montagnes de sel gemme dans les vastes
plaines au nord-est du Nouveau-Mexique, que M. Jefferson
a fait connoître le premier, et qui paraissent liées au grès houil-
ler ; mais d’autres dépôts trcs-problématiques, savoir, les argiles
salifères superposées fà des conglomérats trachytiq«s de la Yilla
d’Ibarra (plateau de Quito, à 1190 toises de hauteur), les énormes
masses de sel exploitées à la surface de la terre ( déserts du Bas-
Perou et du Chili) dans les steppes de Buenos-Ayres et dans les
plaines arides de l’Afrique, de la Perse et de la Transoxane. Près
de Huaura ( entre Lima et Santa, sur les côtes de la mer du
Sud) j’ai vu le porphyre trachytique percer les couches du sel
gemme le plus pur. L’argile muriatifère d’Araya (golfe de Ca-
riaco), mêlée de gypse lenticulaire, paraît placée entre le calcaire
alpin de Cumauacoa, et le calcaire tertiaire du Barigon et
de Cumana. Sur tous ces points le sel est accompagné de pétrole
et d’asphalte endurci.
En comparant les dépôts de sel gemme d’Angleterre (à 3o
toises), de Wieliczka (160 t . ) , de Bex (220 t. ) , de Berch-
tolsgaden ( 33o t. ) , d’Aussee ( 45o t . ) , d’Ischel ( 4g6 t . ) , de
Hallein ( G20 t. ) , de Hallstadt ( 660 t. ) , d’Arbonne en Savoie
(750 t .? ) , et dé Halle en Tyrol (800 t. ) , M. de Buch
a judicieusement observe que la richesse des dépôts diminue
en Europe avec la hauteur au-dessus du niveau de l’océan.
Dans les Cordillères de la Nouvelle - Grenade , à Zipaquira, d’immenses
couches de sel gemme, non interrompues par de l’argile
, se trouvent jusquà i 4oo toises d’élévation. Il n’y a que
la mine de Huaura, sur les côtes du Pérou, qui m’ait paru encore
plus riche : j’y ai vu exploiter le sel en dales, comme dans une
carrière de marbre.
En Thuringe, un des pays dans lesquels on a reconnu, le
premier, la succession et l’âge relatif des roches, on a cru longtemps
que les sources salées sont plus fréquentes dans le gypse
grenu du zechstein que dans le gypse fibreux et argileux du grès
bigarré, et on a regardé le premier comme exclusivement sac
)
lifère. Les cavernes naturelles du gypse inférieur (salzgyps et
schlottengyps ) ont même été considérées comme des cavités
jadis remplies de sel gemme. En hasardant ces hypothèses, fondées
sur un trop petit nombre d’observations, l’on a oublié que
les dépôts de sel sont beaucoup moins caractérisés par le gypse
grenu que par une argile (salzthon) très - analogue à l’argile
du gypse supérieur ou fibreux. Les sources salées, ou jaillissent
réunies par groupes, ou se succèdent par bandes ( traînées ) sinueuses
et diversement alignées. La direction de ces fleuves souterrains
paraît indépendante des inégalités de la surface du sol.
Telle est la circulation des eaux dans l’intérieur du globe, que
les plus salées peuvent souvent être les plus éloignées du lieu
où elles dissolvent le sel gemme. Un haut degré de salure ne
prouve pas plus la proximité de cette cause, que la violence
des tremblemens de terre ne prouve la proximité du feu volcanique.
Les source^ s’engouffrent tantôt dans des couches inférieures
$ tantôt, par des pressions hydrostatiques, elles remontent
vers les couches supérieures. Ce n’est pas leur position
seule qui peut nous éclairer sur le gisement des dépôts salifères.
Nous connoissons des sources salées , en Allemagne, dans le
grauwacke schisteux du terrain de transition (Werdohl en West-
phalie), dans le porphyre du grès rouge (Creuznach), dans le
grès rouge même (Neusalzbrunnen près Y/aldenbourg ) , dans le
gypse du zechstein ( Friedrichshall près Ileilbronn ; Wimpfen
sur le Necker; Durrenbeig? en Thuringe), dans la formation
d’argile et de grès bigarré (Dax, en France, Schônebeck, Stas-
lurth, Salz der Helden, en Allemagne ) , et dans le muschel-
kalk (Halle? en Saxe5 Süldorf, Harzbuig). On peut ajouter à
cette énumération le calcaire du Jura (Butz, dans le Frickthal),
et peut-être la molasse (grès tertiaire à lignites) de Suisse
(Eglisau; essais de sonde de M. Glenck). Dans la recherche
du sel gemme il ne faut pas confondre de véritables dépôts
avec ces petites masses que des sources très-salées peuvent avoir
déposées accidentellement, par évaporation, sur les fentes des
rochers.