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bais âpres, des fruits d’une saveur austèré
ont blasé son palais. Son oreille frappée des
hurlemens des animaux féroces, déchirée
de sons rauques, affreux, imprévus, ne peut
s’attendrir à l’accent mélodieux des instru-
mens ; elle ne se sent pas émue aux doux
ramage des chantres des bois.' Son oeil qui-
plane dans de grandes étendues, qui mesure
avec rapidité la vastitude des campagnes’
arides, des roches désolées qui l’entourent,
ne saisit pas les nuances flatteuses , les
touches savantes et délicates d’un tableau.
Son odorat exercé sur les exhalaisons putrides
de sa proie dans son éloignement, ne
se délecte pas du parfum suave et léger des
fleurs. L ’amour, le tendre amour , n’est
pour lui qu’une ardeur effrénée, une passion
toute physique et brutale, ou plutôt que la
simple impulsion de la puissance reproduc-*
five.
Une structure nerveuse, des formes rudes
et grossières, sont les caractères tranchés de
la constitution physique de cet enfant de la,
Nature ; toute son énergie vitale se concentre
dans l’action musculaire, et se déploie dans
ses forces de nutrition ou d’assimilation et de
génération; tousses: sens-ne conspirent que
y ers cette fin,} et ne servent qu’à prévenir,
écarter
écarter les dangers qui le menacent. Inattentif
au spectacle'dé la terre, aux phénomènes
qui frappent ses regards, il ne s’en
rend aucun compté ; son ame froide, inexpérimentée,
vpltige de sensations en sensations
passagères et nouvelles,-sans les com-i
biner. Le sauvage; ne vit que phÿsîquemeht,
tout en lui-même et sans répandre, ainsi que
l ’homme policé, son existencë et ses senti-
mens sur des objets étrangers, sur tout ce
qui nous séduit. Né dans le sein des privations
, il ne sent pas l’aiguillon, déchirant de
mille besoins factices , et bornant enfin sans
peine ses désirs et soff nécessaire à la bêcher
che de sa nourriture/ dè sà côhservatioh
et d’une ou plusieurs femeîieV, le reste dè %
terre s’évanQuit à ses yeux-L’indépendance j
voilà sa vie; la jcontmntfsji voilà sa mort ;
dormir, manger, se reproduire | telle est Son
existence toute entière (i). p l \
« ,(i) Notre raison, dit J. J. Rousseau, seperfectionnb
par 1 activité de nos passions, et'e’èst pôiir cela mêm©
que le. sauvage reste dans un état d’imperfection d’in-
telligence. S’il est vrai, selon BoërbaaVfî>que l’exces-
ïxve mobilité des nerfs, et là grande susceptibilité du
cerveau soient nécessaires au génie,notre tomme naturel
doit encore demeurer dans la sombre obscurité de
-To m e I . Q