
7 4 CHAPITRE X V ,
Dans quelques districts montagneux mal peuples et à Sumatra, on a
défriché d’anciennes forêts et on les a converties en rizières, le grain
qui en provient est aussi délicieux que nourrissant, mais dans les contrées
où la population est fort resserrée, le riz des montagnes ne répondant
pas assez à l’avidité du laboureur, parce qu’on n’en peut faire qu’une
récolte par année, on préfère celui des marais.
Il y a une variété de riz appelée Pulut en malais et Kettang en
javanais, c’est l’oryza glutinosa de Rumphius; on ne l’emploie jamais
pom remplacer le pain, mais comme objet de friandise.
Il y a plusieurs procédés pour la culture du riz.
Le procédé qui demande le moins d’industrie et qui fut probablement
celui des premiers tems,,consiste à défricher une partie de forêt, en
brûlant les arbres et les herbages, la terre est retournée avec la pioche
et Ion sème entre les troncs d’arbres au commencement de la saison
des pluies; on moissonne pendant la saison sèche, il ne faut ni labourer
ni transplanter; ce mode de. culture n’est en usage que dans les cantons
les moins civilisés.
Le second procédé consiste dans le labourage des contrées élevées
et en général de tous les endroits qui ne. peuvent être inondés. On
sème le grain à la volée, vers le milieu de la saison sèche, il mûrit en
cinq ou sept mois, il n’est pas possible d’en faire deux récoltes par an |
un Européen apprend bientôt à.connaître les terreins de cette nature,
parce que la culture y a un aspect qui approche de celle d’Europe; il
faut changer de sol au moins après, deux années.
La troisième espèce de culture du riz est celle qui .se fait à l’aide
des pluies périodiques; on doit labourer et herser quand elles commencent
à tomber, ce procédé n’a rien de pénible lorsque la terre
est amollie par les eaux, ou plutôt lorsqu’on l’a transformée en une
vase par les irrigations. Le grain est semé en couches très-épaisses.
Douze a quinze jours après, on le repique dans les champs, on met
deux plantes de riz dans chaque trou. Cette opération se fait à la
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main. Ces champs doivent rester constamment humectés, jusque
dans la quinzaine qui précède la récolte, alors seulement on les dessèche
pour faciliter la moisson, qui se fait ordinairement au milieu de la
saison sèche.
Le quatrième mode de culture du riz est le plus industrieux , il
prouve un haut degré de perfectionnement dans l’économie rurale : il
consiste à faire croître le riz par des irrigations artificielles ; ce mode
ne dépend point des saisons, l’on voit dans une très-petite métairie le
cultivateur herser et laboureur un champ, semer dans un second
champ, transplanter dans un troisième, tandis que le grain fleurit
dans un quatrième, qu’il jaunit dans un cinquième et que des femmes,
des enfans et des vieillards moissonnent dans un sixième. Un voyageur
a chaque jour ce spectacle sous les yeux dans les plus riches cantons,
qui produisent aisément deux moissons chaque année : il y a même des
endroits où l’on fait six récoltes en deux ans et demi.
Mr Grawfurd fait observer que le célèbre voyageur Mr lé baron
Humbold a été induit en erreur par Mr Titzing lorsqu’il pense que
les rizières des contrées élevées du Japon et de la Chine produisent
le riz sec, tandis que c’est le riz des marais, puisqu’il croît dans des
champs en terrasses et humectés.
La totalité d’un champ ne mûrit pas en même tems, une moissonneuse
travaille dix à douze jours sur le même terrein. On transporte
le grain au village, aussitôt qù’il est récolté : on l’y expose à l’ardeur
du soleil pendant deux jours, pour le faire sécher et on en forme des
bottes qu’on dépose dans des greniers. On ne se sert ni de fléau, ni
de bestiaux pour séparer le riz de sa paille, on le foule aux pieds:
cette opération se fait avec beaucoup de dextérité. Ordinairement on le
transporte au marché avec la paille, cet usage a de grands inconvé-
niens dans un pays aussi chaud et aussi humide. Lorsque lé riz est
mondé, on le conserve facilement pendant plusieurs années. Les femmes
font cette opération, en se servant de mortiers et pillons de bois.