
6 CHAPITRE I ,
preuve. Nous dirons même que le développement des facultés intellectuelles
y est plus précoce qu’en Europe, mais les forces physiques de
ces peuples sont inférieures aux nôtres, c’est l’homme que le soleil équinoxial
a développé avec trop de promptitude. La durée de la vie humaine
n’y est pas moindre que dans nos climats : on dirait que la prévoyance
bienfaisante du Créateur a voulu cacher à l’homme le moment de sa fin,
en le faisant vivre aussi longuement sous toutes les zones. Cependant
l’Européen sent facilement qu’il n’est point né pour le climat des Indes ;
la nature ne lui permet que d’y séjourner en voyageur et semble lui
défendre d’y établir son domicile.
L’âge de puberté est le même que parmi nous ; la femme est féconde
jusqu’à la fin de sa vie.
Les maladies inflammatoires sont moins fréquentes qu’en Europe, les
insulaires recouvrent souvent la santé dans les mêmes maladies et après
les même opérations qui seraient mortelles pour un Européen : on a vu
souvent des criminels âgés de 5o à 60 ans, auxquels le bourreau avait
coupé le nez ou ime main ou un pied, se laver seulement avec de l’eau
fraîche et guérir en peu de jours.
Les fièvres rémittentes et intermittentes sont occasionnées par des
miasmes marécageux, les premières' sont dangereuses lorsque la saison
humide en provoque les progrès. La peste et l’hydrophobie sont inconnues
à ces contrées; beaucoup d’autres maladies contagieuses n’ont pu y
pénétrer, mais la petite vérole y faisait de grands ravages avant l’introduction
de la vaccine. Un dixième des enfans qui n’avaient point atteint
l’âge de i 5 ans, périssait de cette cruelle maladie. On pense qu’elle vient
de l’Arabie.
La chaleur du climat ne permet point de porter des charges sur le
dos ; les paquets sont suspendus à une perche de bambou qui est appuyée
sur les épaules de deux hommes. On rencontre fréquemment à Java
des porte-faix qui font dix lieues de chemin en un jour , marchant d’un
pas agile.
HABITANS. 7
L’usage des bains est indispensable pour entretenir une excessive
propreté : malheur à celui qui se négligerait sur cet article, plusieurs
espèces d’insectes inconnues à l’Europe et de maladies cruelles en seraient
la punition. Les Javanais se baignent à toute heure du jour, ils se
jettent pêle-mêle dans les rivières et les ruisseaux ; les endroits dont
l’eau est éloignée sont déserts : ils vont à l’eau pour faire des besoins
que le bas peuple d’Europe satisfait dans les rues détournées, aussi il
n’y a point de villes plus propres que celles de l’île de Java. Ces insulaires
se baignent sur tout lorsqu’ils ont touché quelque chose d’impur selon
les préceptes de l islamisme. On voit par-là que Mahomet a fait sa religion
dans la zone torride où la plus grande propreté, doit être rigoureusement
prescrite.
Il faut changer souvent de vêtemens à cause de la transpiration
excessive.
Les hommes doivent se garantir le crâne des ardeurs du soleil : cette
précaution est indispensable pour les Européens; un coup de soleil est
quelquefois mortel; on voit encore ici que le précepte de l’alcoran qui
ordonne le Turban aux musulmans est encore une loi d’hygiène. Jamais
on ne rencontrera un Javanais sans qu’il ait un mouchoir sur la tête,
les figures 2 et 3 les représentent ainsi.
Quant aux femmes elles s’en dispensent, elles tressent leurs longs
cheveux noirs à peu près de la même manière que nos européennes ; elles
mêlent à leurs cheveux des fleurs odoriférantes et quelquefois dés
aigrettes de diamants.
L’on craint aussi les effets de la lumière de la lune, on présume
qu’elle est dangereuse, quoique beaucoup de médecins soutiennent que
cette opinion est un préjugé. On prétend qu’on a exposé à l’air deux morceaux
d’une même pièce de viande, l’un au clair de lune, l’autre hors
de sa lumière et que le lendemain, celui exposé au clair de lune était
enflé, tandis que l’autre était intact. Jamais un matelot n’osera s’endormir
dans ces parages, sans se garantir de la lumière lunaire.