
CHAPITRE Vin.
Caractère des Javanais et des Orientaux qui habitent parmi eux.
Le caractère de ces peuples est parte' à la douceur. Le maître commande
avec égards et bonté. Les expressions et même les injures sont modérées.
Les termes de chèvre ou de buffle remplacent nos mots me'prisans
d oie et d’âne. Les supplices sont rarement cruels, cependant ils conservent
une teinte de despotisme oriental.
L’hospitalité' est une vertu ge'ne'ralement pratiquée. Jamais un voyageur
ne peut craindre de passer une nuit sans asile sur toutes les routes
de Java : il est assuré de trouver partout la nourriture et le logement
au moins pour une nuit et un jour; un Européen jouit de tous ces
avantages, ce qui est un contraste bien grand avec l’aversion des Indiens
du Bengale pour les étrangers. L’hospitalité est même poussée à Mindanao,
dans les îles Philippines, au point que les insulaires viennent à bord des
navires pour inviter les étrangers à descendre dans leurs maisons.
Les liens de famille sont marqués par la tendresse et par l’affection.
L’autorité paternelle s’exerce pendant la vie entière. Le sort du père
est uni à celui du fils, si l’un est puni, l’autre échappe rarement au
châtiment;
L’amour fraternel entre les enfans d’une même mère est souvent fort
grand. L’histoire' de Java n’offre pas d’exemples de cruauté dés princes
à l’égard de leurs frères comme dans l’Asie-Occidentale.
En 1714, Batara Toja fut élue reine de Boni dans l’île de Gélèbes;
elle céda la couronne à son frère; celui-ci s’étant mal conduit, fut
détrôné; la reine élue de nouveau, céda le trône â son second frère,
Les Indiens sont très-attachés aux lieux qui les ont vus naître,
l’agriculture fortifie ce sentiment parmi les Javanais. Rarement on peut
les engager à s’éloigner des tombeaux de leurs pères.
La police n’étant pas vigilante comme en Europe, chaque Indien est
CARACTÈRE DES JAVANAIS. M
armé, et a le droit de se faire justice. Le Kris (voyez fig. 7) remplace
notre poignard et se porte à la ceinture : on s’en sert pour venger les
injures et quelquefois pour terminer les querelles. Les Javanais ne
connaissent point le fanatisme religieux des autres musulmans, rarement
on rencontre parmi eux des dévots qui assassinent les infidèles , en
croyant faire une oeuvre méritoire ; la tolérance est chez eux une vertu
générale.
Le vol et la piraterie sont des vices fort communs dans les classes
inférieures du peuple des villes, mais les paysans sont généralement
honnêtes et fidèles.
Les Javanais sont crédules et superstitieux : ils croient aux songes,
aux prognostics, aux sortilèges et aux enchantemens, ils pensent que des
génies habitent les forêts, les montagnes et les lieux écartés. L’ancien
code de Java qui est encore en usage à Bali, renferme plusieurs lois
contre la sorcellerie; elles prononcent la peine de mort dans plusieurs
circonstances et si le prétendu crime paraît bien avéré, la famille entière
du coupable est condamnée à périr avec lui.
Lorsque des voleurs veulent dévaliser une maison, ils vont prendre
de la terre dans une fosse nouvellement ouverte et la jettent dans cette
maison; ils croient répandre ainsi un sommeil léthargique sur tous ceux
qui y demeurent, le charme sera plus fort s’ils peuvent en jeter dans
leur lit.
A chaque instant on voit paraître des prophètes, des saints et des
fondateurs de nouvelles religions : l’autorité a quelquefois beaucoup de
peine à réprimer les excès qu’ils commettent et même leurs révoltes.
Voici un fait qui prouve l’excessive crédulité des Javanais. Une vieille
femme avait rêvé qu’une puissance divine était descendue au sommet
du mont Sumbing, l’un des plus élevés de l’île, situé sur le territoire
de l’empereur. Cinq à six mille ouvriers travaillèrent pendant deux mois
pour construire une route afin que cette puissance ait plus de facilité a
descendre jusque dans la plaine.