
CHAPITRE XXXXVI.
De VAdministration de la Justice.
La même personne rend la justice et exerce le pouvoir exécutif.
La loi e'crite de Java est l’alcoran, modifié par la coutume et l’usage.
Les Javanais n’ont été convertis à l’islamisme que depuis trois cent
cinquante ans et après la destruction de l’empire Indou de Majapahit. Ils
sont les derniers peuples qui aient reçu l’islamisme dans l’Asie orientale.
Il y a deux espèces de cours de justice, celle du Panghoulou, ou
grand prêtre et celle du Jaksa. Le Panglioulou observe strictement la
loi du prophète, le Jaksa se conforme davantage à la coutume et à
l’usage. Le premier a pour juridiction les offenses capitales, les
divorces, les contrats et les héritages, c’est en quelque sorte devant
lui qu’on appelle des jugemens du Jaksa; celui-ci informe des vols,
escroqueries et offenses inférieures, ses officiers reçoivent les dépositions,
examinent l’évidence, inspectent la police générale du pays et
font l’office de nos procureurs du roi en Europe, le mot Jaksa
signifie gardien ou surveillant.
« Voici les devoirs de cet emploi, tels qu’ils sont désignés dans
» le Niti Praja.
» Un Jaksa doit dans tous les cas, être impartial, il doit estimer àleur
» juste valeur toutes les affaires qui lui sont présentées, de même qu’un
» marchand pèse avec précision les marchandises dans sa balance. Il
» doit être au-dessus de toute séduction soit de paroles, soit d’argent,
» il doit se conduire de manière à ne commettre aucune injustice,
» les conséquences qui en résulteraient, seraient très-préjudiciables
» à l’état. Il ne doit recevoir aucun présent des parties qui seront
» traduites devant lui, non seulement parce qu’il ne peut espérer qu’il
» en résulte un bien, mais parce que le public tiendra des discours
» injurieux à sa réputation.
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» Tontes les causes en litige devant lui seront décidées par lui le
» plus promptement possible, conformément à la. loi, elles ne seront
» pas long-tems pendantes au détriment des parties. Un Jaksa doit
» s’informer de toutes les circonstances relatives à l’affaire qui lui est
» présentée, il doit être convaincu de l’évidence; après cela il prendra
» la cause en considération, il ne doit pas prêter l’oreille à la fausseté,
» sa décision doit être conforme à la vérité, j
» Un Jaksa qui observe tout cela jouira d’une haute réputation. Il
» aura moins de réputation s’il juge d’après les avis des autres, il sera
» semblable à une sorte d’oiseau qui pour se procurer la nourriture
» nécessaire, plonge dans l’eau sans penser au danger auquel il s’expose
» de perdre la vie en se privant de l’air athmosphérique. Un Jaksa
» totalement incapable de remplir les fonctions de son état, est arrogant
» dans ses manières et en même tems assez vil pour tirer un avantage
» personnel des individus qui se présentent devant lui, il est semblable
» à une chauve-souris qui vole des fruits sur un arbre pendant l’ob-
» scurité ou comme un chasseur, qui n’a d’autre but que son égoïsme
» et détruit indistinctement tout ce qui se trouve en chemin. Il est aussi
» semblable à un prêtre qui attend chaque jour dans le temple, sans
» avoir d’autre but que son profit, il est encore semblable à un écrivain
» qui prostitue sa plume au premier venu, ou à un magicien qui gagne
» sa vie par la nécromancie. »
Les cours suprêmes du Panghoulou et du Jaksa sont auprès du
gouvernement, on appelle devant eux des tribunaux inférieurs établis
dans chaque province; ces tribunaux sont sous la juridiction d’un
Demang ou chef de subdivision et quelquefois d’un Bakel ou chef de
village, mais le pouvoir de Panghoulou ou de Jaksa ne s’étend parmi
euxi que jüsqua la transmission de l’évidence des preuves à l’autorité
supérieure, à apaiser les petites contestations, et à faire observer les
cérémonies ordinaires de la religion, qui sont du ressort de la justice
chez les Javanais comme chez les autres musulmans. Il résulte de tout