
34 CHAPITRE V ,
Le cinquième volume des actes de la société de Batavia, imprimé
en 1790 , renferme un catalogue Vrès-étendu des plantés de Java, rédigé
par Norona naturaliste espagnol : tous les végétaux découverts à cette
époque, y sont indiqués : on peut le consulter avec fruit, quoique les
noms; ne soient pas généralement en rapport avec lés progrès que là
science avait faits : beaucoup de mémoires.particuliers de cette société
donnent des détails intéressans sur plusieurs arbres de haute futaie et
sur d’autres plantes remarquables.
Parmi ces végétaux le Bohon Oupas, (arbre à poison) est celui qui a
le plus exercé l’imagination des voyageurs du 17e et du 18e siècle :
Foersch, chirurgien de la compagnie des Indes à Samarang en publia
une histoire tellement fabuleuse, lorsqu’il revint en Hollande en 1780,
que plusieurs savans se sont empressé de. la réfuter. Le 7e volume des
actes de la société de Batavia, imprimé en 1814, contient un mémoire
sur 1 arbre a poison ; tous les détails qfron, peut désirer, s’y trouvent
réunis; ce mémoire est composé d’après les observations de MM. De
Leschenault et Horsfield, voici ce qu’il renferme;
Il y a beaucoup de plantes vénéneuses à Java, mais deux d’entr’elles
donnent un poison tellement subtil que les habitans n’osent même y
toucher qu’avec les plus grandes précautions.
L’une est l’Arbor Toxicaria de Rumphius appelé Antschar à Java, il
croit dans la partie orientale de l’île, à Bornéo et à Célèbes, il appartient
à la monoécie; la fleur mâle a un calice écailleux, embriqué, point
de corolle, plusieurs filamens courts en étamines, et couverts par les
écailles du réceptacle qui a la forme conique, oblongue, un peu arrondie
à son extrémité. La fleur femelle n’a point de corolle, un seul germe,
ovoïde, élevé, deux stiles longs, un seul stigmate aigu. Feuilles alternes,
oblongues. C’est un des plus grands végétaux de Java, sa tige nue
cylindrique et perpendiculaire, s’élève jusqu’à 80 pieds, l’écorce est
d’un pouce et demi d’épaisseur dans sa partie inférieure ; lorsqu’on y
fait une piquure ou une incision, il en découle une liqueur jaunâtre
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qui est le poison. Cette liqueur est plus dangereuse au simple toucher
que le Rhus Radicans d’Europê, le livret est tellement filamenteux
qu’il pourrait remplacer le Monts Papyrifera.
L’autre arbre à poison est le Tschettik, l’auteur de l’ouvrage intitulé
le Monde maritime, publié à Paris en 1818, dit fm 3. p. 208) que ce
poisün provient d!une racine dont la plante est inconnue, ce fait n’est
pas exact, car le mémoire dont nous avons extrait ces détails, porte
ces mots : The fructification of the Tshittik is still unknown, after
ail possible research in the district where it grows, I have not been
able to fmd it in a flerwering state.— ( «La fructification du Tschettik
» est encore inconnue; d’après toutes les recherches possibles dans le
» district où il croit, je n’ai pas été capable de le trouver en état de
6) floraison. ») Le même mémoire donne ensuite la description de ses
racines qui sont traçantes quoique la principale s’enfonce en terre,
de sa tige qui est en buisson, elle grimpe jusqu’au sommet des arbres
les plus élevés, elle est d’environ un pouce et demi de diamètre, parfaitement
cylindrique, son écorce est de couleur brune rougeâtre, la liqueur
que cette écorce contient est de la meme couleur, -acre et un peu
nauséabonde, cette liqueur est le poison. Les branches terminales sont
opposées, les feuilles sont pinnées en 2 ou 3 paires, ovales , un peu
lancéolées, entières, terminées par une pointe; elles sont complet-
tement lisses en dessus, ayant quelques v e in e s parallèles en dessous,
les pétioles sont courts et quelquefois recourbés. Le Tschettik rampe
à l’ombre, mais l’Antschar couvre tout le voisinage; il est faux que ce
grand arbre fasse périr les végétaux des environs.
Le suc vénéneux de ces deux plantes sert principalement a empoisonner
des flèches très-minces de bambou, qu’on lance avec des sarbacanes.
Le mémoire dont nous avons extrait ces détails, cite 26 expériences
faites avec ces deux poisons. Un chien mourut une heure après en
avoir été frappé, une souris en dix minutes, un singe en sept minutes,
des poules en dix minutes, un chat en quinze minutes, un buffle énorme
en deux heures dix minutes.