
« Le monarque plein de fureur, rongeait ses moustaches, sa conte-
» nance était enflammée, sa poitrine devenait rouge comme la fleur
» brillante du Warawari, la sueur sortait de sa peau, les angles de sa
» bouche tremblaient, ses yeux étaient immobiles, sa rage ressemblait
» à celle qui tourmente le coupable ; il bondit sur la terre, il prend
» son essort dans les régions de l’air, sa course est rapide comme
» celle du faucon qui plonge sur la colombe : dans son désir de tirer
» vengeance de la mort de son fils, il lui semble qu’il se jette déjà
» sur son adversaire, ' il s’en réjouit en lui-même, il se vante, il crie
» très-fort, il défie à la fois tous ses ennemis. »
Sans doute ce passage présente toutes les qualités du style sublime.
Parmi les romans, ceux du malheureux Panji, dont nous ayons
parlé longuement à l’histoire de Java, sont les plus nombreux. Aucun
fait authentique sur ce prince n’est parvenu jusqu’à nous, l’histoire
de sa vie tout entière est enveloppée de fables.
Avant l’introduction du mahométisme , les Javanais écrivaient l’histoire
sans exactitude chronologique, le mahométisme leur enseigna à
mettre plus de précision dans la distinction des époques, cependant
l’histoire est pour ces peuples plutôt une source d’amusement que
d’étude sérieuse, ils la défigurent très-souvent.
Ils ont fait de grands progrès dans l’apologue, nous en citerons pour
exemple la fable suivante, imitée du Niti Satra, ouvrage indou :
» Fais choix d’un ami qui soit d’un esprit toujours égal, n’imite
» point le tigre et la forêt. — Un tigre et une forêt s’unirent autrefois
» par une étroite amitié, ils se promirent une protection réciproque.
» Lorsque les hommes voulaient enlever du bois ou des feuilles
» à la forêt, le tigre les épouvantait, ceux-ci fuyaient, voulaient-ils
» prendre le tigre,, la forêt le cachait. Long-tems après, la forêt se
» fatigua d’être la résidence du tigre, ils se brouillèrent. Le tigre quitta
» la forêt, et les hommes s’étant apperçu que le tigre l’avait abon-
» donnée, et qu’elle n’était plus gardée, vinrent en foule, prirent les
c h a p i t r e L i , 259
» feuilles et le bois ; la forêt fut détruite en peu de tems, la place
» qu’elle occupait devint un désert. Le tigre, éloigné de la foret, fut
» découvert, il chercha envain à se cacher dans les vallees et parmi
» les rochers, les hommes l’attaquèrent, le tuèrent, ainsi la discorde
» fut la perte de la forêt et du tigre.
Voici un adage :' —- « Le poison du mille-pieds est dans sa tête, le
» poison du scorpion est dans sa queue, le poison du serpent est dans
» ses dents, on sait où se trouve le poison de ces animaux, mais
» le poison d’un méchant homme est dans toute sa personne, on ne peut
» en approcher. »
La littérature javanaise, avons-nous dit, a puisé peu de sujets chez
les Arabes, quoique leur langue en ait pris plusieurs mots, que leurs
livres de jurisprudence soient écrits en caractères arabes et que cette
langue soit enseignée aux jeunes-gens, les opinions de l’école de
Schafihi, docteur orthodoxe des musulmans, sont professées par lès
Javanais.
CHAPITRE LI.
Du Langage des Malais.
La langue malaise a vingt consonnes, cinq voyelles et deux dipli-
thongues, leur alphabet est écrit en caractères arabes. Mais la prononciation
malaise est très-douce-, la vocalisation de plusieurs lettres
rudes en arabe est modifiée ou même omise, le génie de cette langue
est fort simple, il n’y a point d’inflexion pour exprimer le genre, le
nombre et le cas, on y supplée par des mots particuliers.
Le verbe a deux modes : l’indicatif et l’impératif, il n’y a que trois
tems simples, le présent, le passé et le futur.
Le langage écrit est appelé Jawi, expression corrélative à kawi,
‘qui signifie comme nous l’avons dit, le javanais savant ; le malais est