
2 1 0 CHAPITRE X X X X ,
à Jang'gala et prît terre à Desa Leram, où il bâtit aussitôt une mosquée
et fit en peu de tems un grand nombre de conversions.
Le raja de Gbermen envoya son fils à Majapahit, pour informer
le roi de sa visite ; il se mit ensuite en route lui-même avec ses gejis
et avec quarante saints personnages de Java.
Le roi de Majapahit vint au-devant du raja et le rencontra à la
frontière ; ils s’établirent tous les deux sous un pasang’gralian. Le roi
fut saisi de respect à la vue du raja et le traita avec toute la distinction
de l'hospitalité la plus distinguée.
Le raja de Chermen présenta au roi une grenade, dans une corbeille;
çelui-ci ne savait s’il devait l’accepter ou la refuser : c’était un présage
s’il serait converti ou non. Le roi accepta le présent, mais il ne put
s’empêcher de penser qu’il était étonnant que le raja de la terre
de Sabrang lui présentât un tel fruit, comme si on ne le connaissait
pas à Java. Le a’aja s’aperçut de ce qui se passait dans l ame du roi.,
prit congé de lui quelques instans après et retourna à Laran avec
ses gens. Son neveu, appelé Moulana Mahfar, fils de Moulana Ibrahim>
resta seul avec Angka Wijaya : peu de tems s’était passé , lorsque le roi
eut un violent mal de tête ; il ouvrit la grenade, et au lieu d’y trouver des
graines, il vit avec étonnement qu’elle était remplie de pierres précieuses
(dé rubis;) il fit remarquer à son ministre que le raja de Chermen
devait être un personnage supérieur à lui, et il envoya Moulana Mahfar
pour supplier son oncle de revenir, mais le raja s'y refusa et continua
sa route.
Le raja de Chermen était do retour â Leran depuis quelques jours,
lorsque ses gens tombèrent malades, et que plusieurs moururent. Parmi
eux il y avait trois ou cinq de ses Gousins qui l’avaient accompagné
de Sabrang, leurs tombeaux sont conservés jusqu’aujourd’hui.
La princesse tomba aussi malade, son père ne la quittait point et
il pria dieu que si sa Toute-Puissance ne voulait point qu’Angka Wijaya
fut converti, les jours de sa fille fussent abrégés. La princesse mourut
bientôt après et fut enterrée à côté de ses parens.
HISTOIRE DE JAVA. 2 1 1
Moulana Ibrahim employa plusieurs jours aux cérémonies funèbres,
ensuite le raja de Chermen retourna dans son pays avec ses gens.
Pendant la route, Sayed Yafar mourut, le raja envoya son corps à la
côte de Ma dura.
Angka Wijaya qui désirait voir une seconde fois le raja de Chermen,
arriva à Leran, trois jours après son départ; ayant appris la cause de
la mort de la princesse, il dit à Moulana qu’il avait pensé que la religion
de son cousin , le raja de Chermen, aurait préservé la princesse ;
Moulana lui répondit : « cela ne serait pas arrivé, si vous aviez adoré le vrai
» dieu, au lieu de fausses divinités.» Angka Wijaya s’irrita très-fort de cette
réponse, mais ayant été apaisé par ses serviteurs, il retourna à Majapahit.
Moulana mourut 32 ans après le départ du raja de Chermen, le lundi
12 de rabbiul ewel, de l’an 1334 de Java. Vers cette époque, une
femme de Kamboje, nommée Niai Gedi Pinatek, épouse du Patih
ou ministre de ce pays, fut reléguée à Java, parce qu’elle était une
grande sorcière; elle alla implorer la protection du roi de Majapahit,
ce prince la fit Strabandar (chef de port) à Grissée, où il y avait
déjà une mosquée et beaucoup de convertis. Cette femme devint
dévote et charitable; elle est une des aïeules de Sousounan Giri et
mourut 45 ans après Moulana Ibrahim.
Revenons au règne & Angka Wijaya, ce prince épousa Dara Wati
fille du raja de Champa, qui était fort belle, mais qui refrisa pendant
long-tems d’habiter avec lui, à cause du grand nombre de ses concubines,
et entr’autres d’une Chinoise. La soeur ainée de cette princesse avait
épousé un Arabe, dont le fils était appelé Rachmet.
Angka Wijaya avait un fils illégitime appelé Aria Demar, né d’une
femme de la montagne de Lawou; ce fils devint un fameux chasseur,
il parvint au poste de chef de province et ensuite de général dans
la guerre contre les peuples de Bali, il s’empara de leur capitale,
appelée Klongkong et il fit périr la famille royale de Bali, à l’exception
d’une seule princesse qu’il envoya à Majapahit.