
LES CHAMPIGNONS,
champignons, tandis que d ’autres, tout au contraire, n ’eu
voudraient manger pour rien an monde, tant le danger des
méprises les effraie.
Le savant 1.’É cluse (Llusius), qui a écrit sur les champignons
et a même donné des détails sur la manière de les
préparer, avait horreur de ces plantes. 11 n’.avait pas voulu
en goûter une seule fois, disait de lui Baltbesen de Bal-
tliion ; il lui eût donc été difficile do se prononcer sur leur
saveur.
Nombre de personnes aussi n ’en mangent point, prétendant
que ces jilantes n’ont en elles rien de nutritif et ne
sont bonnes q u ’à lester les organes de la digestion ou à les
fatiguer inutilement. Opinion erronée et tout à fait contraire
à ce que démontrent l ’observation e y ’expérieiice de
tous les jours. Car, si l’on veut bien examiner q u ’une foule
d ’hommes, livrés habitiiellemeiit à des travaux pénibles,
en font pour ainsi dire leur nourriture exclusive ; que les
Tartares, les Russes, les Hongrois, les Toscans, ii ’en ont
pour ainsi dire pas d ’autre durant tout le temps du Carême
; que de toute antiquité ces plantes ont été d ’nn usage
alimentaire, il faudra bien reconnaître q u ’elles ne sont pas,
moins que tant d ’autres substances végétales employées
chaque jou r, propres à nourrir et à réparer les forces.
L ’analyse chimique d ’a illeurs, nous l ’avons vu précédemment,
ne permet pas d ’élever des doutes sur leurs p ro priétés
nutritives.
.le ne nierai pas toutefois que les espèces de champignons,
même les plus salubres, ii’aieut produit quelquefois
des accidents ; mais, le plus souvent, ces accidents auraient
pu être évités.. Qu ’un homme, après une longue
abstinence, mange en quantité excessive des champignons
mal cuits ; q u ’il les mange précijiitammeiit, sans mastication,
il aura une indigestion des plus complètes. 11 en auJ.
ELR EMPLOI ALIMENTAIRE.
rait eu une de même s ’il avait mangé du porc, des oeufs,
du poisson ou tout autre aliment, sans plus de précaution.
11 y a des espèces qui, bien que comestibles, sont coriaces;
les habitants des villes, avec leur estomac faible, délicat,
auront une indigestion, même une dyssenteric, s ’ils mangent
de ces champignons, tandis que ces mêmes e.spcces
seront digérées par les hommes de la campagne, habitués
à une nourriture grossière. Ceux-ci ii’appréhciideiit même
pas de les manger crus. Les habitants des environs de Nu-
remlie rg les mangent ainsi avec leur pain noir, assaisonné
d ’aiiis et de carvi.
M. Schwægrichen, professeur de botanique à Leipzig,
imita ces bonnes gens, si hien que, pendant plusieurs semaines,
il lie mangea que, des champignons crus avec du
jiaiii, et, de plus, il ue bu t que de l’eau; ceux auxquels il
donnait la préférence étaient le Bolet comestible, le Bolet
roux, Boletus rufus, Pe rs ., l ’Agaric champêtre, l ’Agaric
élevé, la Clavaire coralloide. Sous rinfluence de ce régime,
il sentit ses forces s’accroître.
W illdenow aussi raconte que, durant des semaines entières,
il n ’a vécu que de champignons et do pain grossier,
et que cependant il a jou i d ’uiie excellente santé.
Ou cite l ’exemple d ’un montagnard de la Thiiriiige qui,
pendant trente ans, ii’a vécu que de champiguons, et qui
est mort centenaire.
Les champignons ont été appelés quelquefois la manne
des pauvres, et cela avec juste raison ; car ils poussent si
vite, et quelquefois si abondamment, que, comme autrefois
la manne des Hébreux, il semble q u ’ils soient tombés du
ciel en une nuit.
Nous avons vu qu’à Madagascar ou les mange à jieu près
.sans choix.
Ln Cochiuchine, on fait un très-grand usage de YHel-
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