
CHAPITRE YIH.
D E L A P O S S I B I L I T É d ’e N L E V E R A U X C H AMP I G N O N S V É N É N E U X
L E U R P R I N C I P E T O X I Q U E .
On sait que les populations russes recueillent assez indifféremment
toutes les espèces de champignons q u ’elles v eu lent
conserver pour l ’hiver. Elles les entassent dans des
vases, les recouvrent d ’u ne certaine quantité de sel et les
laissent ainsi ju sq u ’au moment d ’en faire usage.
M. Germann dit que, dans l ’Ukraine, on mange impunément,
après leur avoir fait subir cette préparation, le
Boletus luridus, Schæff., la fausse Oronge, les Agarics
(Lactaires) torrninosus, Schæff., scrobiculatus, S co p ., et
diverses autres espèces qui passent pour malfaisantes.
La conservation des champignons dans le s e l, tout simple
que paraisse le procédé, permet, comme on le voit, de
manger impunément des espèces qui sans cette préparation
auraient agi comme poison.
De temps immémorial, pour ainsi dire, on savait aussi
que l’on peut, au moyen de la macération dans l ’eau avec
addition de sel ou de vinaigre, enlever aux champignons
leur principe toxique; Bulliard, Paulet, Pouchet, et la plu-
CIl.AMPIG.NO.NS VÉNÉ.NEUX RE.N'DUS INOEFE.NSIFS. / '
part des auteurs qui ont écrit sur les champignons comestibles,
mentionnent ce fait : je l’avais mentionné moi-même
dans la première édition de ce livre ; mais ce q u ’aucun
auteur peut-être n’avait dit, c ’est le temps précis pendant
lequel les champignons doivent séjourner dans l ’eau salée
ou vinaigrée pour pouvoir ensuite être mangés impunément.
Les expériences nombreuses tentées, il y a quelques
années par Frédéric Gérard, lui ont démontré que trois à
quatre heures d’immersion peuvent suffire pour rendre
comestibles des espèces très-malfaisantes, à la condition
toutefois q u ’après les avoir retirées de cette eau on les fera
blanchir, c ’est-à-dire q u ’on les fera bouillir dans de nouvelle
eau, que l ’on jettera comme la première. Les cham-
jiignons, lavés ensuite et ressuyés, ou peut leur donner tel
ou tel assaisonnement, et les manger en pleine sécurité. Ce
fait étant bien constaté, Gérard et sa famille, fort nombreuse
d ailleurs, n ’ont pas craint de faire un usage fréquent
de champignons traités de la sorte.
Voici du reste le procédé usité par Gérard, tel cju’il le
décrit lui-même :
« Pour chaque 5oo grammes de champignons coupés en
morceaux d assez médiocre grandeur, — en quatre pour les
moyens, en huit pour les plus gros, — il faut un litre d ’eau
acidulée par trois cuillerées de vinaigre ou deux cuillerées
de sel gris, si on n ’a pas autre chose : dans le cas où on
n aurait que de l ’eau à sa disposition, il faut la renouveler
une ou deux fois. Üu laisse les champignons macérer pendant
deux heures, puis on les lave à grande eau; ils sont
alors mis dans de l ’eau froide q u ’on porte à l ’ébullition, et
après un quart d heure, ou mieux encore une demi-heure,
ou les retire, on les lave, on les ressuie, et on les apprête,
soit comme un mets spécial, — et ils comportent les mêmes