
odeur délicieuse. Il n ’eu est pas, au rapport de Linné, qui
plaise davantage aux Lapons que celle de ce dernier;
aussi les jeunes gens qui vont voir leurs maîtresses eu
portent-ils toujours sur eux afin de se rendre plus agréables.
Los femmes laponnes, par réciprocité, portent aussi sur
elles ce précieux Bolet.
A cette occasion, Linné s ’écrie : « O Vénus ! toi à qui
suffisent à peine, dans les contrées étrangères, les diamants,
les pierres précieuses, l ’or, la pourpre, la musique,
les spectacles, ici tu es satisfaite d ’un simple champignon
! B
La poudre de ce même Bolet, mise dans les habits, en
éloigne les insectes par son odeur, bien que les insectes
mangent le champignon lorsque son odeur est dissipée.
La fausse Oronge doit, comme l ’on sait, son nom latin,
Agaricus muscarius, Lin., à la propriété q u ’elle a de tuer
les mouches, et cela par un procédé bien simple. Le champignon,
étant divisé en petits morceaux, est saupoudré
de sucre ; on verse dessus de l ’eau, de la bière ou du
lait, que l ’on expose dans les chambres où les mouches
abondent ; celles-ci viennent sucer le liquide et périssent.
Toutes cependant ne meurent pas, car souvent elles ne
sont que narcotisées, ainsi que l ’a observé Seyffert ; qu e lques
unes reviennent à la vie et s ’envolent; aussi conseille-
t-il de les ramasser pendant leur sommeil et de les jeter au
feu ( i) .
Allioui dit, de ce même Agaric, q u ’il met en fuite les
punaises, si on eu frotte les meubles ou les murailles.
L ’homme n ’a pas craint, dans diverses contrées, de
faire usage de cet Agaric, tout dangereux q u ’il est, dans
l’intention de se procurer des jouissances. Les Ostiocks,
( t) Seyffert, de Fungis, p . 19.
les Kamtchadales et d ’autres habitants de la Russie asiatique
le mangent cru ou boivent sa décoction, afin de se
jeter dans une sorte d ’ivresse. Trois ou quatre champignons
s e c s , délayés dans une décoction à!Epilobium angusli-
foliutn, L iu ., ou de Vacciniurn oxycoccos, Liu ., ou dans
une boisson quelconque, sont suffisants pour une société
nombreuse. Quelquefois cependant les cbampignous sont
avalés secs, sans aucun mélange. Leurs propriétés enivrantes
se communiquent à l ’u rine des personnes qui eu
fout usage : aussi arrive-t-il quelquefois que ces mêmes
habitants du Nord de l ’Asie boivent cette urine pour
continuer leur orgie ( i) . Ainsi donc l ’intoxication p roduite
par cette plante, de même que celle de l ’alcool,
ne va à rien moins q u ’à ôter à l ’homme l’usage de son
libre arbitre.
Du reste, l ’homme ne s ’est pas contenté de s’enivrer du
poison du champignon; il a été, dans certaines régions de
l ’Ouest de l ’Afrique, ju sq u ’à faire un dieu d ’une espèce de
Bolet, que pour cette raison Afzelius a appelé sacré, Buletus
sucer ( Poiyporus sacer, Fr.). Les nègres de la Guinée
rendent à ce champignon, remarquable toutefois par sa
beauté, un véritable culte ; ils le vénèrent comme ils
vénèrent divers autres objets naturels, qu’ils regardent
comme des divinités tutélaires.
D ’après les analyses chimiques de Braconnot, on peut
retirer de l ’Agaric poivré et des autres Agarics de la section
des Lactaires, une matière grasse analogue à la cire, et q u ’à
la rigueur on pourrait convertir en bougies diaphanes.
Reste à savoir quel serait le prix de revient de ces bougies.
Les expériences de Eiislein, Reffort et Goetling démon(
1) D am aze d e R a ym o u d , T ableau de l ’empire de Russie,\t. I I , p. 631.
— L in d ley , regel. Kingdom.