fois en Chine, et devenu instructeur général des clairons de
cette région. Voilà comment des mesures françaises rythmèrent
un défdé à la mode allemande, les soldats levant
le pied en l’air et faisant résonner le sol sous les coups
méthodiquement cadencés de leurs bottes.
Cependant, je regardais ces hommes, j ’admirais leur costume
simple et pratique : pantalon et veston noirs très larges,
la taille prise par le ceinturon qui porte la cartouchière;
sur la tête, une sorte de turban, noir aussi, étroit, enserrant
la natte enroulée, et pouvant protéger le crâne contre
un coup de sabre; la jambe tenue dans une demi-botte à
tige molle, en étoffe, à semelle de corde très épaisse.
Soldats vraiment superbes, secs, nerveux, marchant à la
baguette ou plutôt au bambou, capables à coup sûr ds
grandes choses, si l’apparence n’est pas trompeuse. Les officiers
diffèrent à peine des hommes par le costume, et n’en
sont plus distingués à une certaine distance.
Nous primes place sous la véranda du yamen, parmi
les mandarins, dont plus d’un peut-être jouit de notre surprise,
et le général chinois, après avoir rassemblé ses officiers
pour leur expliquer ce qu’il attendait d’eux, donna
le signal des manoeuvres.
L ’infanterie, d’abord, exécuta l’école de bataillon, puis
l’école de régiment, avec une correction admirable. ' Songez
donc : l’école de bataillon à rangs serrés, sans clairon, au
seul commandement du chef, dans un silence absolu, nous
ne nous attendions, certes, point à voir cela. Au reste, les
exercices -en ordre déployé de bataillon, sans une erreur,
sans, une hésitation même, par compagnies, étaient tout aussi
étonnants. En particulier, une compagnie du génie a fait
dans la perfection un simulacre d’attaque avec feux, par
sauts successifs.
Ensuite s’avança l’artillerie à tir rapide; elle nous fit
assister à des manoeuvres de section, de batterie, à des tirs
à blanc, exécutés avec une précision et une rapidité d’automates,
avec l’entrain le plus extraordinaire. On ne voyait
pas sans émotion ces merveilleux coolies que sont les Chinois
sauter sur les avant-trains, sur les canons, sur les a ffûts,
démolir le tout en quelques secondes, passer un bambou
dans l’axe des canons, et s’en aller en bon ordre, chacun
portant un accessoire, comme font nos mulets pour l’artillerie
de montagne. Point de mules en Chine : les dos chinois
sont là.
A leur tour, montés, vissés sur leurs petits chevaux trapus,
les cavaliers ont fait preuve de qualités à la fois souples
et solides, qu’un long entraînement seul peut expliquer.
Ils combattaient à cheval, armés de lances, se développaient,
se rassemblaient, descendaient de cheval pour
se transformer en fantassins et combattre avec des mousquetons.
La plupart de ces exercices étaient une copie flagrante
des exercices allemands; mais tous les commandements
étaient exercés par des officiers chinois, qui s’en tiraient avec
aisance. Après avoir brûlé beaucoup de poudre en notre
honneur, après avoir clos cette fête militaire par des exercices
de gymnastique exécutés à tous les agrès avec une prestesse
qu’envierait mon vieux gymnaste Cesari, les très aimables
fils du vice-roi, dans les intentions les meilleures,
firent jouer une sorte de Marseillaise, épouvantablement discordante,
tandis qu’ils nous faisaient les honneurs d’un
lunch ou figurait le Moët et Chandon, flanqué de paquets
des gros cigares fabriqués à Hambourg. La musique, ce
fut la seule note fausse de cette journée : elle jouait a aux
champs » à tout propos, et, chaque fois, nous donnait des
rages de dents !
Musique à part, nous nous croyions transportés bien loin
il