semble est peuplé de plus de 300,000 habitants (1). Nous
n’avons fait qu’entrevoir la ville ou les villes; mais la rade,
bien abritée, s’ouvre, très étendue, devant nous.
Les Pescadores. — Le joli mouillage que celui de Makung,
dans les îles Pescadores ! Entre Amoy et Makung, nous
avions essuyé un temps épouvantable. Les défections, à
table, se faisaient de plus en plus nombreuses. Mais nous
comptions nous remettre de ces crises intimes en foulant ici
le plancher des vaches. Quelle erreur ! Point de communications
avec la terre! Et la raison? Makung, qui a l’aspect
d’une forteresse antique, est place de guerre. Ainsi, pendant
qu’on force la Chine à ouvrir ses ports, on permet au Japon
de fermer ceux qu’il a conquis sur elle.
Cependant, comme nous nous étions arrêtés en ce bel endroit
pour voir si les tombes des Français, qui y sont restés
en trop grand nombre, pendant la guerre de 1885, étaient
en état convenable, on ne nous a pas interdit l’accès du cimetière
des hommes, qui est à l’entrée de la rade, loin de la
ville et des forts. Combien des nôtres dorment là en paix,
s’il est possible de dormir en paix dans la terre jaune de
l’abominable île Pong-hou !
L ’amiral Courbet avait jugé bon d’occuper ce point stratégique,
au début du printemps de 1885 : il y est mort le
11 juin, ou plutôt il en est mort, car ces parages sont très
insalubres. Lui, du moins, il repose en terre française. Nous
eussions désiré mettre un peu de chaux au monument qu’on
lui a élevé ici, et aux tombes d’ofñciers qui sont près de la
ville. Cette ambition a paru excessive : il a fallu télégraphier
à Formose, puis à Tokio, et l’autorisation est arrivée
quand nous repartions. La forme ! la forme ! Ce Japon est
trop européen décidément.
(1) Un récent incendie (4 oct. 1902) a détruit en partie Amoy,
Cela n’a pas empêché les officiers de la « garnison » d’inspecter
notre bateau et de boire notre champagne. Nous les
avons laisses faire, nous contentant de les étudier de près.
Leur grande force, dans le présent, est qu’ils ne doutent pais
d’eux-mêmes. Et ce sera peut-être aussi dans l’avenir leur
faiblesse. Ils nous ont assuré que le monument Courbet, négligé
et détérioré sous la domination chinoise (les Chinois
superstitieux en détachaient volontiers des fragments pour
s’en servir comme de fétiches), avait été réparé, protégé par
le Japon, nation amie de la France. Allons, tant mieux!
Le reste du temps, notre distraction a été de contempler
le port défendu, bien place, d’ailleurs, au fond d’une longue
baie étroite, et protégé tant bien que mal par une colline de
cinquante mètres, au plus, ambitieusement appelée le mont
Dôme. L ’île entière est longue d’environ trois lieues, mais
de moitié moins large. On ne distingue point d’arbres. Où
est la charmante Pu-tu, si verte, si hospitalière? Par bonheur,
nous reverrons demain Hong-Kong et ses villas grimpantes.