que l’on comprend lâ~ nécessité, pour les Européens du
moins, de ne pas aller à pied.
Il y a des boutiques jusque sous les portes. Sans doute
on ne trouvait pas le passage assez étroit. En revanche, les
murailles sont d’une épaisseur cyclopéenne, car la porte du
Nan-Men est un vrai tunnel. Le couloir est long d’une
vingtaine de mètres. C’est à dessein que l’épaisseur de la
muraille est ici accrue, pour obtenir une sorte de salle
voûtée, lieu d’assemblées et de trafic. Nous nous étions
arrêtés bien loin du Nan-Men, dans notre première promenade.
Le plan ci-dessus, esquissé d’après une carte que
l’on doit aux jésuites de Zi-Ka-Wei, le montrera.
Au-dessus de la voûte du Nan-Men, le mur, d’abord plein
et massif, est percé d’ouvertures carrées, sans doute embrasures
antiques de non moins antiques canons. Le tout est
coiffé d’une toiture sans autre cachet que celui de la masse.
Nous n’avons pas le temps, au retour, de visiter le yamen
du vice-roi, que la civilisation occidentale a doté d’un fil
télégraphique et du voisinage dangereux d’une poudrière.
Le gros tao-taï barbu et le tao-taï des affaires étrangères ont
accepté de déjeuner à bord. Nous nous hâtons d’aller à leur
rencontre. A notre carré deux lettrés du P. Chevalier et l’interprète
Zi, le bon Chinois francophile, partagent notre
modeste repas. Le commandant, après le champagne, nous
conduit les inséparables tao-taïs, et le champagne coule de
nouveau. Ne croyez pas que ce large usage du champagne
soit particulier aux Français recevant des Chinois, ou réciproquement.
Non, le champagne, c’est le symbole de la civilisation
européenne : plus on en boit, plus on se montre
civilise. Les tao-taïs sont des hommes très civilisés. Quelques
uns prétendent qu’ils manquent de prestige, et nous les
présentent comme a des Chinois de paravent ». Mais le
P. Chevalier, interprète forcément infidèle, traduit ces ironies
en ces termes plus chinois : « Nous sommes déshonorés
de vous traiter aussi mal. »
Les excellents tao-taïs ne se sont arrachés qu’avec peine
à cette conversation animée et à l’examen détaillé de nos
canons. Les adieux ont été tendres, les tchin-tchin prodiga-
lement répétés, jusque dans l’embarcation qui les ramenait
à Nankin. C’était un spectacle à voir que le mandarin à bouton
de corail et le mandarin à bouton de cristal s’épuisant
en politesses supplémentaires, tandis que nous hissions au
mât de l’âvant le pavillon chinois, salué de quinze coups de
canon.
Dieu me garde de trouver ces braves gens ridicules parce
qu’ils sont Chinois ! Je suis au mieux avec le bon gros tao-
taï. Il m’a confié qu’il sollicite le poste de Stanghaï; cela lui
coûtera 200,000 taëls; mais on rattrape la somme en huit
ou neuf mois (1). Ils volent donc? C’est un bien gros mot;
mais on ne les paie vraiment pas; il faut bien qu’ils se
paient eux-mêmes. Un proverbe chinois dit très justement :
« Si un mandarin est honnête, les gens de sa suite sont
maigres. » Le système impose presque la concussion; les
hommes ne sont pas pires ici qu’ailleurs.
(1) « Nous avons connu un tao-taï de Shanghaï qui est de temps après sa nomination au posté de tao-taï. On vse’neust àa mpeorçuuri ra lpoerus qavua’iilt mdûa nêqturea ite f2f5e0c,t0u0é0 tpaoëulsr dluain sp elarm ceatitsrsee ddee pla’ayreser nla’el.m Cpelo ip edteit tvaiore-tmaïe. n»t (Bard, Les Chinois chez eux.) Selon M. Pierre Leroy-Beaulieu (La Rénovatliao
nc hdaer gl ’eA seine ),c loeûs tea p2p5o0,i0n0t0e.ments du tao-taï de Shanghaï sont de 6,000 taëls et