n’envieraient pas cette situation. Il est probable aussi que le programme
de l’instruction primaire on Chine leur plairait peu. Les
enfants qui, à partir de 8 ans, fréquentent l’école moyennant une
rétribution légère, e t qui y sont retenus de 6 heures du matin à
6 heures du soir, avec un seul repos de trois heures dans la journée,
y apprennent par coeur, et y récitent le San-te-King, 356 vers où
toute la sagesse est condensée ; c’est le livre élémentaire ! Le Ta-Hio,
le Tchoung Youiug. le Lun-Yu, le Meng-tzé, viennent ensuite. Ceux
qui se destinent aux grades s’élèveront jusqu’à la lecture des cinq
livres sacrés : le Y-King, le Chou-King, le The-King, le Li-Ki, livre
des rites, si important pour un Chinois, le Tchua-Thsion. Ces
livres ne sont pas vraiment expliqués, mais commentés et surtout
récités, la mémoire étant pour le Chinois la faculté maîtresse. On
comprend que leur raison demeure éternellement enfantine, courbée
sous l’autorité du passé.
L’écriture chinoise, si compliquée, suffirait à occuper de longues
années, et c’est un art recherché que l’art de manier le pinceau avec
délicatesse e t sûreté. Savoir écrire et savoir lire, c’est donc ici toute
une science. Il y a des illettrés, assurément, en Chine, mais la proportion
des absolument illettrés aux lettrés ne paraît pas y être aussi
considérable qu’en d’autres pays. Beaucoup savent peu de chose ; les
savants eux-mêmes ne pourraient rivaliser avec les savants d’Europe.
Presque toutes leurs connaissances sont formelles.
Jurien de la Gravière l’observe, « les institutions littéraires tiennent,
sans doute, une grande place dans l’onganisation de la société
chinoise, mais le principe essentiel de cette société n’est pas le culte
de la science, c’est celui de la tradition ». Ce formalisme apparaît surtout,
non pas dans les études d’enseignement secondaire, qui ne sont
pas nettement distinctes, en Chine, des études primaires ni des
études supérieures, mais dans les examens qui couronnent l’ensemble
de ces études. Pour la première fois, alors, le gouvernement intervient
: il n’enseigne pas, mais il contrôle l’enseignement donné. On
distingue trois examens successifs : le baccalauréat, examen annuel,
plus compliqué lorsque le candidat se destine à entrer dans l’administration
subalterne, et tenu au chef-lieu du district ; 2° la licence,
examen subi tous les trois ans dans la capitale de la province'; 3° Je
doctorat, tous les trois ans aussi, mais passé à Pékin, devant un jury
que, d’ordinaire, l’empereur préside lui-même. Selon les rangs, les
candidats admis sont répartis en quatre catégories : les académiciens,
les candidats à l’Académie, les attachés des ministères, les sous-pré-
fets. A leur retour dans leur ville natale, ils sont enthousiasme. accueillis avec
Un livre érudit, mais d’une lecture bien difficile (Essai sur Vhistoire
de l instruction publique en Chine, et de la corporation des lettrés,
depuis les anciens temps jusqu’à nos jours, par Ed. Biot, Paris, Benj!
Duprat, 1847, in-8°), complété par la non moins illisible Histoire de
la dynastie des Ming, par l’empereur Khian-Loüng (traduction de
l’abbé Delamarre, Duprat, 1865, in-4°), nous instruit de l’antiquité
de cette organisation. Du xne au vu8 siècle avant notre ère règne la
dynastie des Tcheou, dont les règlements sont encore la base de l’organisation
actuelle ; le programme est sèulement un peu vague : rites,
musique, vers, histoire. Ce programme se précise quand Confucius et
Meng-tseu (500 et 400 ans av. J.-C.) ont exposé leur doctrine dans
des livres qui furent désormais l’invariable fondement des examens
réguliers. Un moment ces livres furent proscrits; mais la dynastie des
Han, fondée par Lieou-Pang, en 204 avant Jésus-Christ, les rétablit.
Les choix « de carrière » ou de faveur tempéraient, d’ailleurs, ce
qu’avait de trop rigide le système du concours qui, avant et après
l’établissement de l’ère chrétienne, tomba même en décadence.
Mais c’est au I er siècle de notre ère que Ming-ti, bien longtemps
avant Charlemagne, établissait dans son palais line académie pour
instruire les fils des grands. Au m 8 siècle, les dynasties Weï et Tsin
relevèrent les examens, en accordant, il est vrai, une importance décisive
aux qualités morales, à la perfection de l’écriture et à la beauté
du style. Après une nouvelle crise, qui coïncida avec l’extension de
l’influence du bouddhisme, peu favorable aux livres, les Thang et les
Soung, aux viii8, x8 et xi8 siècles, constituent définitivement les programmes
qui encore aujourd’hui, à peu de chose près, sont en vigueur :
poésie régulière et irrégulière, explication des King, amplifications,
compositions politiques.. Taï-tsoung réunit plus de 10,000 élèves dans
le collège de sa capitale, Si-ngan-fou. L’impératrice Wou-Leou
ordonne de recouvrir avec de la colle les noms des candidats écrits
en tête des copies. Ces candidats était déjà fort nombreux : en 977,
sur 5,2(50 gradués qui se présentèrent aux examens supérieurs, 500
seulement furent reçus. Les candidats malheureux, déjà ruinés par
les frais du voyage, étaient dégradés par surcroît, et beaucoup d’entre
eux prenaient le parti de se précipiter dans le fleuve Jaune : on
décida humainement qu’on ne les dégraderait plus. C’est au xi8 siècle
que les concours, d’annuels, devinrent triennaux ; mais c’est alors
aussi qu’une réaction antilittéraire ne laissa guère aux examens
qu’un caractère assez étroitement administratif.
Les Mongols (xiii8 et xiv8 siècles) furent favorables aux lettres ;
mais l’invasion mongole, obligée de se maintenir dans un pays hostile,
était obligée aussi, au point de vue des écoles, de distinguer les
Mongols des Chinois. C’est la dynastie des Ming (1368-1644), établie
d’abord à Nankin, qui formula la grande règle pour les grades de
kiu-jin (licencié) et de tsin-sse (docteur) : « Toutes les places d’officiers
civils attaches a l’intérieur de la cour ou au service des provinces,
devront être obtenues en passant par les épreuves des concours;
elles seront refusées à quiconque n’aura pas subi ces épreuves. »
Pour la licence, le programme fut précisé ; toutefois on dut compter
avec les circonstances. Yoici un fragment de l’Histoire des Ming,
écrite par un d’entre eux : « 1373. Comme beaucoup de places manquaient
de. fonctionnaires, l’empereur dispensa les licenciés de l'exa