mais, qu’il fasse froid ou qu’il fasse chaud, Takou est le
plus ennuyeux comme le plus laid séjour du monde. Et voici
que, par télégramme (télégramme gratuit, venu par la télégraphie
sans fil), mon ami Sicard, secrétaire du ministre de
France, m’appelle à Pékin. Précisément, le commandant et
le docteur vont s’y rendre. Le commandant insiste pour que
je me secoue et que je le suive. C’est une affaire entendue :
ce soir, 14 août, nous coucherons à Tien-tsin ; et puis nous
entrerons dans Pékin, au jour anniversaire de la délivrance
des Légations.
TIEN-TSIN ET PÉKIN — L E PALAIS D’HIVER
Et l e p a l a i s d ’é t é
C’est par un temps épouvantable, mercredi, à 1 heure 1/2
de l’après-midi, que nous avons passé du Charner sur le
remorqueur Enseigne-Henry. Mais ce remorqueur remorquait
un chaland chargé de foin. Lentement, il a passé près des
forts de Takou, que l’on démolit, et il a fini par atteindre,
derrière ces forts, Tong-Ku, où il y a une gare. Nous nous
sommes hâtés de débarquer : le dernier train pour Tien-tsin
venait de partir !
Or, Tong-Ku n’est pas un Eden : imaginez une série
de maisons basses, qui émergent d’une immense mare dé
boue. Là dedans pataugent, en enfonçant jusqu’aux genoux,
des marins, des marsouins, des Russes, tous bottés, tous
crottés lamentablement. Notre compagnon, le lieutenant
de vaisseau Paqué, glisse dès le début, s’allonge et prend
un bain de boue. Je n’ai été sauvé d’un engloutissement partiel
que par la complaisance d’un aspirant attaché à la direction
des mouvements du port. Il me débrouille, m’amene
au mess des officiers du Pei-Ho, où je fais une assez piteuse
entrée : mon pantalon, jadis blanc, était complètement noir
plus qu’à mi-jambe.
Mais, une fois là, quel dédommagement ! Je me sèche, et