bécasses, deux renards, etc. Nous ne mangions plus que du
gibier, au grand désespoir de notre pilote danois, qui ne
peut pas le souffrir. Est-ce pour se venger qu’il nous a
échoués, mardi,' en sortant de Chin-Kiang, au bas même de
l’île Silver? A mer basse, notre avant sortait de l’eau d’au
moins un mètre; mais le fond était de vase, et le Chaîner s y
est fait mollement un lit.
Ces parages sont particulièrement difficiles. En remontant
le fleuve, nous avions laissé l’île à droite : ce chenal
est le plus profond; mais quelques têtes de roches, situées
en son milieu, exigent une grande prudence de manoeuvre.
En redescendant, comme la marée était haute, notre pilote
eut la fâcheuse idée de prendre l’autre chenal. Nous dûmes
attendre la marée suivante pour songer à repartir. Dans
l’intervalle, un croiseur anglais de la flotte australienne,
le WallaTôe, nous a offert toutes ses cordes et toutes ses
remorques. Mais nous nous sommes déséchoués tout seuls.
Au commandement de l’officier de quart, tout l’équipage se
porta vivement d’un bord sur l’autre. Ce déplacement de
poids suffit à donner au bâtiment un mouvement de roulis assez
accentué pour lui permettre d’elargir son lit dans le sable
vaseux : les machines, lancées alors à toute vitesse en arrière,
purent le faire glisser et le ramener dans des eaux
plus profondes.
En somme, le bas Yang-tse, surtout entre Kiàng-Yn et
Chin-Kiang, est formidablement défendu, et nous rapportons
à Shanghaï une impression assez différente de celle que
nous en avions emportée.
VIII
REPOS A SHANGHAI (décembre içoo)
Pendant que la coque du Charner, entré au bassin, resonne
tout le jour sous les coups de marteau, et que des artistes
chinois rafraîchissent les peintures de notre carré (ds y
mettent du blanc, du rose, du vert et de l’or!), j ’occupe
une petite chambre à l’Hôtel des Colonies (pour 17 francs
par' jour), et je travaille. De juillet à décembre, j’ai payé
1,257,000 francs.
Au cours de notre absence, il y a eu ici quelques conflits
entre nos soldats d’infanterie de marine et les Anglais. La
dernière rixe fut même une véritable bataille rangée, puisque,
du côté des Français, combattaient environ'trois cents marsouins.
Un Anglais et un Hindou ont été tüés.
J’ai fait la connaissance de Picard-Destelan, des douanes,
et du patron de l’hôtel de Pékin, M. Chamot, qui ont tous
deux soutenu là-bas le siège de la légation. Picard-Destelan
a été complètement enseveli par une première mine, et deterre
par une seconde. L ’énergique et charmante Mme Chamot portait,
elle aussi, et très résolument, la carabine. S’il y a des
ombres au tableau qu’ils nous font de cette crise, il n y
a qu’une voix sur l’héroïsme de nos marins et de 1 ambassadrice
autrichienne, Mmo de Rosthorn, qui soignait nos
blessés à la légation de France, et qui écrivait aux Amé