défiants, nous avons abattu, d’un magistral coup triple, un
malheureux canard sauvage, qu’un obligeant indigène est
allé nous ramasser, en sampan, sur l’eau de l’étang où il flottait.
11 fallait voir le contentement de notre guide, un petit
Chinois à mine éveillée. J’ai préféré, ce dimanche de Pâques,
Cette course à travers les marais et l’ascension des vertes collines
qui donnent à ce paysage un aspect particulièrement
attrayant, à la visite des pères et des soeurs qui civilisent ces
nations dites barbares.
Si nous n’avions hâte de remonter, par le Yang-tse, jusqu’au
coeur de la Chine, nous nous attarderions volontiers
dans cet archipel si pittoresque, qui, dit-on, ne compte pas
moins de deux cents îles et de deux millions d’habitants,
dont 200,000 au moins dans la plus grande île; deux ou
trois assez bons mouillages, mais où les bateaux risquent de
chasser sur leurs ancres, à cause des nombreux retours de
courants produits par la reftcontre des eaux du fleuve et de
la mer. Les eaux sont encore jaunes, et ce n’est guère qu’aux
environs de l’île de Pu-Tu qu’elles commencent à devenir
bleues.
Ces îles sont montagneuses. Les bambous et arbustes
divers y sont plus nombreux que les pins et cotonniers.
Mais les arbres fruitiers, meme ceux d’Europe, n’y manquent
pas. Très fertiles dans les plaines qui bordent la
mer et qui s’étendent jusqu’à quatre ou cinq kilomètres du
rivage, surtout dans les vallées, où le riz et l’orge poussent
à souhait, elles nourrissent largement leurs habitants (i).
C est, d autre part, la position centrale des mers de Chine :
elle commande le Yang-tse, et permet de se porter facilement
soit sur le Japon ou le Petchili, soit sur le Tonkin. Aussi
surtout au point de vue de la nature, qui lui rappelle l’Ecosse,
les-Aventures de Robert Fortune, ch. u et iv. A Pu-Tu, 11 admire la variété
et%o“ du ' n^lumwum. “ l C°UTertS fles fleurs bIanches
les Anglais les ont-ils deux fois accaparées, en 1841 et
en 1860. C’est sans empressement qu’ils les ont restituées à
la Chine. Du moins ils ont pris la précaution de se faire promettre
qu’elles ne seraient jamais cédées à une autre puissance.
Si la Chine ne mérite pas toujours le nom de « Royaume
fleuri », qu’elle se donne, les îles Chusan, du moins; sont
par excellence les Iles fleuries. Cela se devine déjà; mais
c’est dans un mois ou deux qu’il faudrait revenir ici pour
jouir d’une véritable orgie printanière de couleurs et de parfums.
Chèvrefeuilles, jasmins, glycines, myrtes, clématites,
azalées, tout alors est en fleur. Il est vrai que l’archipel n’est
pas moins riche en bonzes qu’en fleurs : cette floraison-là,
toute grise, suffirait à nous dégoûter de l’autre.