Le Kong-Youen, c’est la Sorbonne du pays, en tant que
lieu d’examens, car il n’y a ni cours ni professeurs dans
cette Sorbonne chinoise; mais, en revanche, que d’examens!
et comme la France, où la maladie de l’examen est pourtant
endémique, est encore loin, sous ce rapport, d’égaler
la Chine! C’est une véritable.plaine d'examens qui s’est ouverte
devant nos regards pensifs d’ex-candidats. Les cellules
— car on passe les examens en loge — sont en pierre :
le mobilier en est élémentaire : une planche, au fond, sert
de table; une autre, à l’entrée, de siège. Au nombre de 24,000,
elles s’alignent en plein air par rangées horizontales de trente
a cinquante, separees entre elles par une distance de deux
mètres environ, et elles occupent une superficie considérable.
Dans une allée centrale, on a établi un clocheton, avec clochettes
aux pointes des toits, d’où l’on surveille toute l ’enceinte;
et, au sommet du clocheton, un gong de grandes
dimensions, cloche ou tambour d’une autre espèce, dont les
candidats connaissent l’appel.
C’est dans cette plaine que se tient, tous les trois ans, la
session des examens de licence pour cette région de la
Chine. Les examens de doçtorat se passent à Pékin. Mais de
Pékin l’on envoie, pour la licence, deux présidents. Ils s’adjoignent
dix examinateurs en sous-ordre, un certain nombre
de reviseurs et de surveillants, un peuple de domestiques.
A la saison chaude (en Chine, comme en France, on a soin
de choisir pour le travail le plus dur la saison la plus étouffante),
ces terrains vagues, ces baraques abandonnées, sont
toute une ville, affairée plus que joyeuse, car elles ne sont pas
gaies, ces logettes étroites, hautes de moins de deux mètres,
longues et larges d’un mètre au plus, vraies fournaises où des
milliers de candidats, toujours enfermés, toujours assis,
suent et pâlissent sur le commentaire des livres classiques
et sacrés, sur les caractères chinois qu’ils doivent peindre
avec amour, et, depuis quelque temps, sur diverses questions
historiques ou économiques, qui, au scandale des vieux Chinois,
ont un peu rajeuni l’antique examen, déjà antique au
temps de Jésus-Christ. Cet examen dure au moins cinq
jours, sans que le candidat ait le droit de sortir. D’ailleurs,
La plaine d’examens de Nankm.
la porte est hermétiquement fermée : on y a ménagé seulement
une ouverture par où l’on passe aux reclus, après les
sujets de composition, la quantité de nourriture suffisante
pour qu’ils ne meurent pas de faim, c’est-à-dire un peu de
riz, avec la tasse de thé nationale.
On assure pourtant que plusieurs sont sortis : mais c’est
que l’examen les avait tués. Dans ce cas, on les élimine en