de broussailles au beau milieu de la chambre. Quand la
fumee se faisait par trop épaisse, et que la fenêtre ne suffisait
plus pour l’évacuer, on ouvrait la porte toute grande,
et par là entrait un froid de loup.
Nuit charmante ! Us ont pourtant dormi comme des
belettes jusqu’au matin. Au petit jour, ils se sont levés,
un peu courbaturés, parce qu’ils avaient couché prudemment
sur leurs fusils, ils ont avalé tasses de thé sur tasses
de the, sans sucre, selon la coutume chinoise, presque invariable;
puis, a peu près réchauffés, ils sont revenus, par des
sentiers de chèvres, tomber sur le Kiang, ravis de leur escapade.
Mais, à bord, on était plutôt inquiet.
Le pays ne semble donc pas être hostile. Livrés à eux-
mêmes, ces indigènes sont parfaitement doux et paisibles.
Souvent on ne les comprend pas; mais on a toujours de la
peine à les haïr.
Les rives du fleuve, devant Nankin, sont plates, basses,
couvertes de roseaux qui, en été, forment des taillis impénétrables,
excellents abris pour le gibier, chevreuil, faisan,
caille, lievre. A 1 automne, les paysans coupent ces roseaux,
et les rives deviennent un très bon terrain de chasse, où
abondent - alors les oies et canards sauvages, et, au printemps,
de fines et grasses bécassines. Sur la rive gauche, les
officiers du Charner ont adopté les environs d’une ancienne
ville fortifiée, dont il ne reste que les murs trapus, très
remarquables avec leurs doubles portes à angles droits. Gét
enclos en friche joue le rôle d’une sous-préfecture dans l’administration
impériale. Quel est son nom exactement ? A
quelle époque remonte la construction de son enceinte?
Nous n avons, jamais pu le savoir (x). Plusieurs ruisseaux
la contournent de façon pittoresque et leur réunion forme,
(l) Ce doit être la ville de Pou-Kiou-Hien, dont signalent les murs et la pagode en face de Nankin. du Ilalde et J Davis
en face de Nankin, un petit port très fréquenté par les jonques
du fleuve.
C’est là que débarquent les officiers du Charner pour
leurs expéditions cynégétiques, la qu ils se rembarquent
à la tombée du jour pour regagner leur domicile flottant.
Ces retours de chasse sont un événement à bord; les plaisanteries
accueillent les chasseurs, qui ont la satisfaction
d’y répondre par d’agréables surprises, et, triomphalement,
jettent leurs pièces sur le pont, à la coupee, près de la porte
de ma chambre. Tout autour du mouillage, mais surtout au
nord et au sud, l’horizon est formé par des chaînes de
hautes collines, assez éloignées vers le nord. La prudence
devrait nous retenir, mais ne nous retient pas toujours à distance
respectueuse de ces barrières. Eh bien, chaque fois
qu’un des nôtres les a dépassées, il a reçu, aussi bien que Per-
rette et Defforges, l’accueil le plus hospitalier des paysans
de la plaine.