et que l’intérieur soit odorant et vert à souhait, — Pourris,
ces oeufs-là! mais sentez-les donc! — Merci bien! Mon
èstomac a des préjugés encore...
Pendant que j ’écris, les clairons d’infanterie de marine
sonnent la retraite dans les rues de la concession française.
Cette concession est nettement séparée du reste de la ville
par un petit canal, ambitieusement, dénommé le Yang-Ki-
Pang, et traversé de ponts métalliques. Quoique beaucoup
de Français habitent dans la concession internationale, on
se sent ici presque sur terre française. L 'hôtel des Colonies,
grande bâtisse à plusieurs étages, à l’angle de deux rues très
animées, est tenu par des Français. Dans les magasins voisins,
beaucoup de Chinois parlent français, et quelques-uns
un français excellent. Le commerce des négociants français,
dans la région de Hankéou, point central de la vallée
du Yang-tse, est, d’après une statistique certaine, plus important
que le commerce anglais. Le sait-on, en France?
Plus d’un d’entre nous a été agréablement surpris de nous
trouver ici en aussi bonne posture. Pourquoi faut-il que
l’exportation des marchandises achetées par des Français
ne puisse se faire que par bateau anglais? Hélas! nous
n’avons pas, nous, de cargo-boats! E t c’est pourtant du quai
français que partent les paquebots anglais, japonais, chinois,
qui remontent le Yang-tse!
Plusieurs de nos amis sont partis, sur la canonnière la
Surprise, pour cet Hankéou, centre de commerce très important.
J’aspire à les suivre. Qu’est la rivière de Shanghaï auprès
du Yang-tse? Un arroyo vaseux et qui de plus en plus
s’envase, large au plus comme la Loire. Quand on quitte
l ’estuaire du grand fleuve, pour tourner à gauche, vers Wou-
4ung, à douze kilomètres de Shanghaï, ce n’est pas sans regret
qu’on s’engage dans ce cours d’eau équivoque, qui coule entre
des rives plates protégées par des digues. A un détour, Shanghaï
surgit, et l’on passe en revue les concessions européennes.
Comme la ville chinoise s’étend derrière la concession
française, et que la concession française ne se présente
qu’après celle des Américains et des Anglais, on ne serait
pas, dès le début, très sûr d’être en Chine, si l’on n’était aussitôt
abordé par d’innombrables sampans, gondoles primitives
de la Venise jaune. Et, quand on en est bien sûr, on
s’ennuie d’y être, car ce n’est pas la vraie Chine, ce n’en est
que la porte. Qu’on ferait plus volontiers le voyage contraire,
en s’évadant de Shanghaï vers Nankin!