Le mouvement commercial est très actif en cette saison :
c’est l’époque des grands arrivages de thé de l’intérieur;
mais il n’est pas exagéré de dire que, de juin à septembre,
on ne vit pas, à Hankéou, d’une vie supportable. Tous les
Européens qui peuvent quitter momentanément leurs affaires
sont alors au Japon, ou au sanatorium de Kouling, à quelques
heures d’ici, près de Kiu-Kiang, dans les montagnes.
Femmes, enfants, s’en vont chercher là-bas un peu d’air
pur. Dans beaucoup de maisons de commerce et de banques,
une partie du personnel est en congé.
C’est qu’a ce moment l’on vit dans une température d’étuve.
Le thermomètre, à vrai dire, indique rarement plus de
3°° (jÜ> mais l’atmosphère est si chargée d’humidité que
1 on a, pendant les vingt-quatre heures de la journée (car la
nuit n’apporte aucune amélioration), la sensation d’un étouffement
continu. Ce climat rappelle celui de Saigon. Ici,
comme là, l’humidité rend l’air presque irrespirable; des
tornades de pluie tombent parfois durant des jours entiers,
sans une accalmie, cependant qu’à peine vêtu l’on se sent
couvert de sueur. Sous ce climat, certes, la végétation croît
magnifique; mais on sent que ces arbres, que ces plantes
ont poussé au détriment de l’Européen qui vit dans la région
du Haut-Fleuve. La végétation étouffe l’homme : nous
retrouvons ici, au lieu de visages, ces masques de cire qui
nous avaient tant impressionnés en Indo-Chine. Pour compléter,
enfin, l’illusion de la ressemblance, le sol est argileux
comme en Cochinchine, d’une sorte d’argile rougeâtre où le
pied laisse son empreinte, après la plus légère ondée. En
vain le thé que l’on transporte des entrepôts aux navires impregne
l’air de son parfum : on croit par moments respirer
la mort.
(1) Selon Piassetsky, 30° Réaumur à la saison chaude,dit qu'il y en a 40, communément, à Hankéou pendant làe sl ’doemubxr em. oAism da’uétréy. Mais il déclare, somme toute, le climat très sain.
XII
KIU-KIANG — LA PORCELAINE DU KIANG-SI
LE « PETIT ORPHELIN »
Non sans regret, nous avons quitté Hankéou ce matin
(28 mai), précisément à l’heure où arrivaient deux nouveaux
croiseurs autrichiens. Que cherche l’Autriche dans cette région
où aucun intérêt ne l’appelle? Nul doute que l’Angleterre.
défiante n’envoie ici un nombre double de croiseurs.
Redescendant le fleuve, nous avons remarqué, en aval de
Hankéou, quelques sites pittoresques, aux points où des
chaînes de montagnes ou de collines viennent barrer la route
du Yang-tse, qui tantôt les contourne, tantôt les traverse.
De Hankéou à Kiu-Kiang, sur une distance de deux cent
cinquante kilomètres environ, on côtoie une région minière,
montueuse et boisée; puis, les collines abruptes du passage
de Pwan-Piem-Shan, utilisées pour une ligne d’ouvrages fortifiés,
battant l’aval. Aux environs de Kiu-Kiang, port à
traité, sur la rive droite, bâti dans une plaine basse et mouillée,
que limitent au sud de hautes montagnes, le fleuve est
d’une navigation difficile : c’est là que l’on rencontre le plus
de ces bancs de sable et de vase qui, à la fin de l’automne et
en hiver, arrêtent les bâtiments calant plus de trois mètres...
Arrivés à Kiu-Kiang le soir même de notre départ de
Hankéou, nous en repartions le lendemain après de tou