tchang, et sur la rive opposée, celles de Hankéou et d’Hanyang, on a
sous les yeux la capitale et les villes principales du Hou-pe. Le Hou-
nan ne se présente qu’ensuite, mais les deux Hou sont gouvernés par
le même vice-roi, dont la résidence est Outchang.
Outchang ne s’offre à la vue qu’après Hankéou, mais c’est la capitale
de la province et nous restons sur la rive droite. Ses sombres murs
crénelés lui ont fait tort, et plus d’un voyageur s’est arrêté à la ligne
des quais européens de Hankéou, car, en comparaison de Hankéou,
Outcbang, selon l’expression de Marcel Monnier, est une ville morte,
ruinée comme Nankin, et contenant aussi trop à l’aise 300,000 habitants
dans son immense enceinte (35 kilomètres carrés. Cotteau
allait jusqu’à 500,000 âmes). Gaston Donnet, visiteur plus récént
encore, s’est égayé, aux dépens de « la capitale aux tuiles émaillées,
aux laques rouges, aux sempiternels jardinets semés de rocailles ».
Tout autre avait été, en 1858, l’impression d’Oliphant. Il déclarait
n’avoir rien vu en Chine de si beau que la grande rue d’Outchang,
qui passe sous une sorte de tunnel couvert de maisons, avec des boutiques
jusque sous le tunnel. Quoi qu’il en soit, la vieille capitale
n’est guère transformée, bien qu’elle ait eu pour vice-roi Tcheng-tehe-
tong, le réformateur, qui y a fondé une école militaire et une école
d’agriculture. Le vice-roi lui-même n’a pas osé ouvrir complètement
Outchang aux étrangers : il en a seulement entr’ouvert la porte
en 1901, en leur permettant de passer, mais non de résider.
De l’autre côté du fleuve, au contraire, les étrangers sont chez eux,
dans la ville murée d’Hanyang aussi bien que sur les quais, longs de
près de 2 kilomètres, qui bordent les concessions européennes de Hankéou.
Hanyang, séparé de Hankéou par le Han (le P. Gaillard écrit
la San), qui est large d’un mille à son embouchure, est une sous-pré-
fecture, de qui Hankfeou dépend administrativement. Autrefois, elle
concentrait tout le commerce de la vallée du Han, qui est navigable
sur un millier de milles, et les cartes de d’Anville, insérées dans
l’ouvrage du P. du Halde (1735), en portant Hanyang et Outchang,
ne portent pas Hankéou, mais on voit aisément qu’Hankeou est alors
compris dans Hanyang. Hanyang, ÿ est-il dit, ne le cède point aux
villes les plus peuplées de France. On n’y compte jamais moins de 8 à
10,000 bâtiments. Une forêt de mâts s’étend du H an sur le Yang-tse,
large à oet endroit d’environ une lieue. Du haut de la colline de
Hanyang le spectacle est merveilleux : « On croit à peine ce que l’on
voit, ou du moins on croit voir en ce genre la plus helle chose du
monde. » Mais la ville mandarine est depuis longtemps éclipsée par
la ville commerçante. Hanyang a pourtant encore 100,000 habitants,
et possède des aciéries, un arsenal, une manufacture d’armes.
Qu’est cela pourtant auprès de l’immense commerce de Hankéou
qui, selon le P. Gaillard, compte à lui seul 850,000 habitants, et fait
un chiffre d’affaires annuel de 90,879,032 francs (1900) P (En 1897,
d’après la Mission lyonnaise, 69,356,000 taëls.) On ne s’attend pas
à rencontrer cette activité commerciale à 1,100 kilomètres de la mer,
et l’on comprend l’espèce d’enthousiasme avec lequel un des chefs de
la Mission lyonnaise, M. Brenier, caractérise « le coeur commercial,
le Chicago de la Chine, point d’aboutissement ou de rayonnement du
commerce, en tout ou en partie, de cinq ou six provinces, marche
central de 70 millions d’âmes environ » | on peut estimer le commerce
annuel de ce port à 20 millions pour les peaux et graines et a 60 millions
pour le thé. Mais les étrangers, et en particulier les Français,
n’ont pas toujours professé la même confiance dans 1 avenir de
Hankéou. D’abord vassal d’Hanyang, Hankéou n’a commence quil
y a un siècle environ à vivre d’une vie propre. Le P. Hue, vers le
milieu du xixe siècle, était émerveillé de ses magasins, de ses industries
réparties par quartiers, de ses coolies chargés de marchandises
qui se frayent, au pas gymnastique, un passage à travers la cohue,
surtout de son port : « Le grand port de Hankéou est bien littéralement
une immense forêt de mâts de navires. » Mais, peu après son
passage, l’insurrection des Taïping ravageait tout. ,
Hankéou se releva vite. Le port fut ouvert en 1861, en vertu des
conventions qui suivirent le traité de Tien-tsin, et, dès cette annee,
les Anglais y eurent leur concession. En 1863, la concession française
fut fondée, mais resta, trente ans assez peu florissante, presque
oubliée. Arrivé à Hankéou aux basses eaux (1869), M. de Roche-
chouart n’avait pas grande opinion de l’avenir de cette ville : « Quoi
qu’on ait pu faire, Hankéou est et restera une ville de deuxième
ordre », car le commerce du thé ne s’étend qu’à trois mois de 1 annee ,
les soieries, les cotonnades iront toujours de préférence à Shanghai.
L’abbé Armand David était loin d’être ébloui, en 1873 : à oe moment,
un seul Français est établi d’une façon permanente à Hankéou ;
c’est le gérant du consulat de France, M. Blancheton. L Anglais
Thomson (1877) déplore la ruine de ce grand entrepôt commercial,
très prospère déjà sous les Ming. Léon Rousset (1878) constate que
la France y est représentée, en tout, par un consul « dont la résidence
s’élève seule au milieu d’une grande plaine marécageuse » et par le
négociant Dupuis (le premier instigateur de l’établissement des
Français au Tonkin), qui habite sous les murs d’Hanyang. La Note
officielle de 1884 ëst pessimiste : « Hankéou deviendra-t-elle une place
de commerce de premier ordre ? Il est permis d’en douter : le commerce
du thé, quelque important qu’il soit, ne se fait que pendant trois
mois, et ne suffit pas à faire vivre une place de commerce. La soie
continuera à se rendre à Shanghaï. » L’auteur de la Note se borne
à copier M. de Enfin, il y a qRuoelcqhueecsh oanunaréte. s à peine, M. Marcel Monn|i er, vi.s.it.an. t
Hankéou, n’augurait pas pour lui un plus brillant avenir : lui aussi,
il .croit que les Chinois continueront à se rendre de préférence aux
grands marchés de Shanghaï et Hong-Kong. Hankéou, dit-il, est
avant tout un grand marché de thés. La saison s’ouvre en avril e
dure à peine deux mois ; alors la. population des concessions est soudainement
doublée ; les dégustateurs arrivent de Pétersbourg et de
Moscou. Dès l’automne, c’est la saison morte.