moeurs chinoises, des articles plus français que chinois,
et il a gardé comme un vague accent parisien. Mais ces
coquetteries ont failli lui être fatales. C’est à Li-Hung-
Tchang qu’il doit de porter encore sa tête sur ses épaules;
aussi est-il un agent dévoué du vice-roi.
Son dîner était suffisamment oriental : nous avons mangé
avec des baguettes, entre autres mets, des ailerons de requin
et des pattes de canard, choses succulentes; pour boisson, de
1 eaü de riz fermente. Le repas était servi dans de petites soucoupes
ou de petits bols de porcelaine. Mon voisin était un
jeune Chinois qui ne parlait ni français ni anglais, mais
qui a trouvé moyen de dépenser déjà un demi-million de
taëls, soit environ 1,700,000 francs, le taël, monnaie toute
fictive et d’une valeur très variable, ne valant pas 4 francs
en ce moment. Il lui en reste à peu près autant; mais on
compte sur lui pour en avoir bientôt raison. Ce fils de famille,
digne d’être Parisien, sait l’art de se ruiner galamment.
Jusqu ici, notre rôle nest pas glorieux avec excès. Ce
matin, les troupes alliées se sont promenées gravement
tout le long des camps chinois, aux portes de l’Arsenal,
et dans une partie de la ville chinoise. Elles ont poussé
l’audace jusqu’à mettre en batterie en face du camp principal.
Les Chinois" continuaient à vaquer à leurs occupations,
comme si ce petit jeu ne les regardait pas. On assure
quun poste chinois a offert le thé à une patrouille française.^
Seulement, depuis, les murs de la ville chinoise sont
gardes par des réguliers chinois en armes.
C’est pour se moquer, sans doute, que deux jonques de
guerre, armées de petits canons, viennent de louvoyer entre
le Jean-Bart et le Charner. Ces Chinois ont une effronterie
innocente et narquoise, plus gênante cent fois que l’hostilité
déclarée. En ce moment, il pleut, et nous nous amusons
à les voir se promener, nonchalants et curieux, sous leurs
Plan de Shang-Haï.