de pointage, ecole de bataillon, et tout cela, en vérité, pas
trop mal.
Sur Nankin, que j ai revu ensuite, je serai sobre, en ayant
décrit naguère les solitudes comme les curiosités. J’y ai seulement
visité l’arsenal chinois, transporté par Li - Hung -
Chang, il y a trente-cinq ans, de Su-tcheou à Nankin, au
sud-est de la ville, dans un faubourg, non loin de la poudrerie.
Le personnel de la poudrerie est indigène, mais
l’arsenal est dirigé par un major anglais. On nous y a
montré avec complaisance des machines allemandes du dernier
modèle pour sertir les cartouches, faire les balles, etc.;
et je songeais que, bientôt, une de ces balles pourrait tuer
un Français, un ami. Les Chinois paraissent aussi très fiers
de leurs fusils de rempart : ce sont tout au plus des canar-
dières passables.
J’ai vu ou revu, avec les ruines du palais impérial, l’Ecole
militaire (professeurs allemands), l’Ecole navale (professeurs
anglais), l’Ecole des langues, l ’hôtel des Monnaies,
1 yamen vice-royal, et je n’ai gardé de souvenir bien précis
que de cet arsenal, assez bien outillé, somme toute, mais
dans lequel les frais généraux paraissent écrasants. La
porte d entree donne sur une vaste esplanade rectangulaire,
dont un côté, planté d’arbres, borde un petit lac déshonoré
par sa malpropreté. C’est à l’ombre de ces arbres que gît la
coupole métallique de la fameuse tour de porcelaine.
Nous allons toujours plus avant dans les profondeurs du
Yang-tse, ou ne nous arrive plus aucun courrier. Hankéou,
qui est notre dernier but, est éloigné de la mer trois fois plus
que Paris lest de Nancy. Là nous trouverons des Français
autres que des missionnaires, sur une concession française.
A Nankin, nous n avons pas de concession encore, et un projet
d’établissement, étudié en 1865 (1), n’a pas été repris.
(l) Voir le Nankin d ’alors et d’aujourd’hui, du P. Gaillard.
V
C O U P d ’oe i l s u r w u h u e t n g a n k i n g (mai 1901)
Ce pays a ses surprises, qui ne sont pas toujours maussades,
et la soirée d’hier, I er mai, me laissera, je crois, une
des impressions les plus profondes que j ’aie ressenties encore
dans l’Extrême-Orient.
Le Chaîner remontait vers Hankéou. Nous avions quitte
Wuhu (qu’il faut prononcer et peut-être écrire Ou-hou)
vers six heures du soir et, grâce a une très belle nuit, sans
lune, mais éclairée par les étoiles, nous avons navigue jusqu’à
onze heures pour jeter l’ancre au pied d une falaise
boisée que surmonte une vieille tour de pagode en ruines.
La-soirée était merveilleusement douce; sur le fleuve, tantôt
aminci en ruban d’acier, tantôt élargi en estuaire, le Charner
glissait sans vibration. Réunis près de la tourelle de 1 arriéré,
après le dîner, retardé par l’heure avancée du dépàrt de
Wuhu, nous jouissions de ce calme. Les uns causaient; les
autres, dont j ’étais, se taisaient avec bonheur. C est que le
fleuve, à ce moment, nous rappelait la mer; nous regardions
la Chine, mais nous sôngions à la France.
Ce n’est pas Wuhu qui a provoqué cet accès de poésie.
Ah ! non, ce n’est pas Wuhu ! Cette grosse agglomération chinoise,
port à traité (100 kilom. de Nankin), est bâtie sur la