pourtant, sur son isthme aride, a fort peu d’ombre. Nous y
avons bu frais, couché, dormi même, dans la galerie orientale
d’un hôtel convenable pour l’endroit. Seulement, notre
déconvenue! est extrême : nous nous étions arrêtés ici pour
faire du charbon, et il n’y a pas de charbon! En temps de
guerre, ces petites surprises seraient charmantes. Nous voici
obligés de passer par Aden, où les Anglais, eux, ne manquent
pas de charbon, j ’en suis sûr d’avance.
Je vais congédier nos chauffeurs arabes, dont dix-huit se
sont révoltés pendant la traversée. Eux-mêmes, ils trouvaient
la température un peu lourde : 55° • Mettez-vous a leur place.
w/
II
ADEN — COLOMBO — SAIGON (juillet)
Le Friant, averti à temps que le charbon manquait à Djibouti,
nous a rejoints à l’escale d’Aden. Contrariés d’être rattrapés,
nous avons écourté la relâche. Cette froide ville anglaise
d’Aden ne vaut, d’ailleurs, pas la peine qu’on s’y
arrête. La ville indigène est à près de deux lieues. Derrière
le port européen, il n’y a que des collines nues et arides
sur lesquelles ont poussé seulement des canons anglais.
Au-dessus, on distingue un pic, que l’on appelle le tombeau
de Caïn. Ah! pour le tombeau de Caïn, c’est un
décor tout fait.
Djibouti manque de canons autant que de charbon, mais
est plus agréable. Il est vrai que je suis hante par le souvenir
de la retraite aux flambeaux du 13 juillet, si gaie
dans la nuit, le long de la mer. Aden et la gaiete sont
deux choses. Toute cette côte est sinistre, et l’on s attend a
n’y rencontrer que des forçats. Malgré les citernes creusées
dans le roc très anciennement, et restaurées par les Anglais,
mais qui ne contiennent plus qu’une eau rare et saumatre,
les Européens déportés là sont réduits à se contenter de
l’eau de mer filtrée. Doux pays !
Après Aden, de l’air, presque de la fraîcheur; un fort rou